Sanctuary : Rob Reed nous offre un retour aux sources (Chronique par Orabidooblog)
Imaginez... Incantations, Ommadawn, Hergest Ridge, Tubular Bells et la poignée d'électrons libres qui entourent ces œuvres. Gardez, les instruments, la complexité et l'aura qui les animent... Cette puissance hypnotisante qui entoure le final d'Ommadawn Part 1, cette atmosphère pastorale qui nous recouvre de sa couverture sur Hergest Ridge, cette complexité mélodique qui envoute la première face de Tubular Bells... Ce mélange visionnaire de musique irlandaise folklorique, de guitares électriques hurlantes et de tempos africains s’entremêlant dans une tempête frissonnante aux mélodies ingénieuses, jusqu'à l'extase finale... Nous sommes beaucoup à espérer un jour le retour de Mike Oldfield à ce haut niveau de composition, Amarok a prouvé qu'il en était largement capable. Et si ce retour venait d'un autre surdoué de la musique dite progressive ? Si cet album était imaginé, composé et joué par un admirateur inconditionnel, un multi-instrumentiste tout aussi habile, un héritier bien décidé à rendre hommage à son mentor ?
Robert Reed découvre Tubular Bells à sept ans, le choc le décidera a devenir musicien, mais pas n'importe lequel... Il apprend alors à jouer tous les instruments figurant sur le chef d’œuvre de 1973. Multi-instrumentiste confirmé, il forme le groupe Magenta en 2001 et réalise huit albums studio en 12 ans. En 2012, il concrétise le projet Kompendium, dont le premier album néo-prog sera très bien accueilli par la critique. Mais c'est en janvier 2013 que Rob se décide à se lancer dans une aventure solo avec une idée en tête : créer un album dans le style de Tubular Bells : "Je voulais jouer tous les instruments et qu'ils soient tous réels, ni synthétisés, ni échantillonnés, juste des choses bien réelles". Comme pour rendre le rêve encore plus réel, il demande les services de Tom Newman et Simon Heyworth pour la production et la masterisation de l'album. Les deux anciens collaborateurs de Mike Oldfield acceptent alors de se replonger dans l'univers de TB. Rob Reed est en passe de réaliser son rêve : SANCTUARY.
A trois semaines de sa sortie, j'ai eu la chance d'écouter l'intégralité de l'album en avant première, les extraits diffusés sur la toile avaient déjà bien attisé mon impatience et je me suis donc plongé dans cet album avec beaucoup d'espoirs mêlés à la peur d'être déçu : "Je suis très fier de l'album, je pense qu'il va vous plaire", c'est sa promesse.
1- Sanctuary - Part One - 20'41"
2- Sanctuary - Part Two - 18'09"
Le voyage commence et l'appréhension s’évanouit dès les premières sonorités. Le glockenspiel ouvre la première partie sur une nappe de clavier, puis les flûtes à bec rappelant déjà HR se présentent, suivies des arpèges de nylon, et c'est le grand piano qui ouvre la porte aux notes électriques d'une guitare très oldfieldienne sous des percussions triomphales, accompagnées des célèbres tubular bells. Le décor est planté à la manière d'une intro de The Wind Chimes, les choses sérieuses peuvent commencer !
Comme sur les longues fresques de MO, les deux parties de Sanctuary se décomposent en tableaux qui ont chacun une identité, un thème et une atmosphère propres. Parfois tourmenté, voire violent, ou au contraire paisible et bucolique à la manière d'un Spanish Tune ; les émotions, servies par une composition complexe et très inspirée, sont multiples. Les envolées électriques, élevées par des progressions de percussions sont dignes des plus belles montées en puissance d'Oldfield. D'ailleurs, parlons de la guitare qui garde un rôle central dans la composition de Reed. Sans atteindre le niveau technique des plus beaux solos de Mike (il y a tout de même quelques passages assez impressionnants...), le multi-instrumentiste a néanmoins réussi à reproduire les sonorités si caractéristiques du Maestro, à la fois pures et éraillées, conservant ainsi la sensation que chaque note sort tout droit des tripes.
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Robert Reed entouré de ses instruments à percussion utilisés pour Sanctuary |
Ayant joué tous les instruments de la pièce (à l'exception de certaines percus par Tom Newman et des chants par le Synergy Vocals de Londres), Rob Reed a eu recours aux techniques de superposition qui lui ont permis de multiplier les pistes pour monter un album riche, avec l'aide de Tom Newman, grand habitué de ce genre de fresque. Le résultat est saisissant ! Les guitares en overdub rappellent à un certain moment le puissant Electric Storm de la seconde partie d'Hergest Ridge. Les mélodies à la flûte dignes des virevoltes de Les Penning sur les arpèges acoustiques. Les chœurs mystérieux, parfois oppressants, sur des rythmes africains effreinés nous replongent dans l'ambiance magnétique d'Ommadawn. Rob respecte autant ses influences qu'il les maitrise.
Le final de la première partie - mélange de style entre Tubular Bells et Incantations - résume à lui seul l'esprit de Sanctuary. Tout y est, les instruments, la progression, l'envolée, l'émotion... Jamais un artiste n'aura autant réussi à capter l'univers oldfieldien dans ses propres compositions.
La seconde partie débute sur une structure très proche de celle de Tubular Bells, mais elle devient rapidement plus électrique, et sonne en réalité plus "moderne", empruntant notamment des sons et des ambiances issus de la fin des années 70 (dont Platinum), voire même de Tubular Bells II. Toujours par tableaux, Reed explore et restructure les procédés de Mike Oldfield, se les approprie pour en faire une œuvre originale. Les chœurs du Synergy Vocals sont d'avantage mis en avant, s'accordant une section entière au cœur du morceau. Avec ses airs ethniques et son côté offensif, le passage rappelle d'ailleurs assez bien le thème central d'Amarok. Après un moment de répit un peu plus ambient, on se dirige progressivement vers le final explosif de l'album, toujours avec la guitare électrique aux avant-postes, et des notes oldfieldiennes décidément jouissives !
Alors, ne vous attendez pas à un Sailor's Hornpipe revisité ou à une nouvelle variante du thème de l'Exorciste, il n'y en a pas. Bien plus qu'une nouvelle version de Tubular Bells, Robert Reed a recréé un album à positionner quelque part entre les quatre premières fresques de Mike Oldfield. Le compositeur anglais a puisé dans ce que MO a créé de mieux pour assembler un album-pépite où tous les fans de la première heure se retrouveront. Alors, c'est vrai, certains crierons au scandale, au manque d'originalité flagrant, au manque d'intérêt de cet album face aux chefs d'oeuvres de MO. On pourrait reprocher à Rob Reed de n'avoir rien inventé, d'avoir juste pompé, mais il s'est bel et bien construit un sanctuaire dédié à Mike Oldfield, sa source d'inspiration première. Personnellement Sanctuary me fait un grand bien et il n'est pas prêt de sortir du lecteur. Peut-être le prochain sera-t-il plus personnel, plus détaché du style oldfieldien, tout en gardant la même approche ? "Je voulais capturer l'émotion que Mike Oldfield avait réussi à communiquer à travers son jeu". Bel hommage, magnifique album, promesse tenue..!
Merci Mr Reed, et vivement l'édition 5.1 !
par Orabidooblog - juillet 2014
Sanctuary sort le 21 juillet 2014 chez Tigermoth Records aux formats CD+DVD 5.1 et vinyle.
Extraits /
Site officiel /
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2 commentaires:
Bon, alors comme on part d'une écoute en exclu, on va pour l'instant avoir du mal à discuter dessus, à part pour ce qui est de témoigner son impatience. Alors je vais me baser sur les 8/10 minutes qu'il nous a été permis d'écouter pour me forger un embryon d'avis, en partant de l'idée que ces minutes sont un échantillon "représentatif".
Pour résumer : les sonorités sont là, les sections oldfieldiennes sont là, les instruments sont (tous) là, le "poly-instrumentisme" est là, la production est là, l'identification de chaque référence d'album est là, et même les références visuelles sont aussi là. Quasi aucun oubli dans l'Arche de Rob-Mike !
Et ce n'est pas le côté pastiche qui me dérange, Tubular Bells II est déjà en soi un pastiche du 1er sur une grille identique, donc je suis d'avis qu'il n'y a aucun reproche à émettre de ce point de vue.
Non, ce qui m'empêche de me projeter surtout, c'est surtout au niveau de la technique et du jeu : je ne m'y retrouve pas. C'est comme si à partir d'une même recette de cuisine, on s'attendait tous à manger le même plat, en oubliant que l'âme, le style, la technique et la personnalité du cuisto comptent au moins pour moitié dans la recette. L'indispensable signature qui fait tout le sel d'une composition.
Et malgré tout ça, je ne retrouve pas "LA" signature, malgré un son de PRS TRÈS proche de l'original (ce qui tout de même est admirable). Sans doute que ça tient au jeu, à la technique d'origine si particulière, à l'absence de vrai solo et d'envolées lyriques très riches en émotion, à une trop grande répétition de riffs, à certains gimmicks caractéristiques qui ont disparu, et c'est peut-être mon plus grand reproche : un manque d'inspiration et d'originalité dans la compo. Parfois même, je ressens un certain malaise à l'écoute de certains passages, me disant que ça pourrait presque faire passer le style de Mike pour une idée simpliste et si facile à "copier", alors que ce n'est bien évidemment pas le cas.
Globalement donc, je trouve que l'intention de capturer l'émotion s'évanouit, la reléguant au stade de concept compris, mais pas encore assimilé, malgré le grand mérite de ne pas avoir choisi de faire un cover pour formuler un hommage.
Mais ce n'est pas comme s'il me suffisait de pianoter un Fairlight pour pondre le nouveau Discovery.
J'entends bien là que ces critiques sont dures, et que ça l'est d'autant plus qu'elles ne sont basées que sur des extraits, qui d'ailleurs sont tout sauf désagréables à entendre (avec même parfois un petit goût de reviens-y).
Mais comme je trouve un peu gonflé d'appeler ça "Sanctuary", et d'avoir l'audace d'y toucher quand même, du coup je m'attends à du haut niveau dans l'hommage, et pas juste une sympathique initiative "à la manière de", en forme d'appel du pied à Mike pour dire "hé gars, tu te rappelles de ton âge d'or ? c'est ça qu'on attend tous !"
Mais peut-être aussi que je me trompe, et qu'une écoute en intégralité me fera réviser cette première impression. Je l'espère tout du moins.
Enfin, et j'en termine (ouf) : j'avoue sans mal que, comme beaucoup, les albums pastoraux de Mike me manquent terriblement, et j'attends avec impatience de voir à quoi va ressembler celui que l'on semble annoncer dans cette même veine. Mais pourtant, je n'arrive pas à trouver dans l'hommage que Rob Reed tente de rendre à Mike un quelconque palliatif à ce manque.
A l'écoute, je me suis demandé si Mike n'avait pas pris un pseudonyme tellement c'est proche et quasiment copié. On reconnait quelques parties bien distinctes d'Hergest Ridge, Ommadawn et autres. C'est très bizarre comme impression car c'est le son guitare d'Oldfield, Mike pourrait sans mal faire un procès pour plagiat. J'aime l'atmosphère de l'époque vraiment épatante, mais je n'accroche pas non plus. J'ai écoute 5 fois l'oeuvre complète et non ça ne marche pas !! Il a voulu faire un joli hommage et il manque un truc, peut-être le maître lui-même !! Bref, TB était mémorable, Sanctuary est un instrumental comme il en existe beaucoup hélas. L'élève a voulu trop bien faire et s'est pris les pieds dans le tapis je trouve. Dommage ! Je mets 11/20 car il y a du boulot.
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