vendredi 5 septembre 2025

THE ORCHESTRAL HERGEST RIDGE enfin édité !

Jour pour jour ! Cinquante ans après l'enregistrement de l'adaptation orchestrale d'Hergest Ridge à Glasgow, il est temps de présenter l'album physique, qui sort enfin chez un label indépendant, spécialisé dans les bootlegs de retransmissions radiophoniques (FM Concert Broadcasts Ltd.).

The Orchestral Hergest Ridge (vinyle standard, 2025)

A proprement parlé il s'agit donc d'une sortie non-officielle de Mike Oldfield, mais pour rappel, le Maestro n'avait pas participé à ces enregistrements, il est donc seulement crédité en tant que compositeur original de la double fresque. C'est bien David Bedford, Steve Hillage, et bien sûr l'Orchestre National d'Ecosse qui sont à l'œuvre ici, pour un pur moment d'extase !

Retour dans le passé


En 1974, alors qu'Hergest Ridge est à peine dans les bacs, l'idée est de continuer sur la lancée de Tubular Bells et d'adapter cette nouvelle œuvre pour un orchestre philarmonique. Bien sûr, c'est le compositeur David Bedford qui est aux commandes, mais Mike Oldfield, pas très en clin avec cette idée de réorchestration, décide tout simplement de fermer la porte au projet. Qu'à cela ne tienne, Virgin fera sans son poulain et recrute le génial Steve Hillage, alors guitariste du groupe Gong.

Plusieurs représentations auront donc lieu au Royaume-Uni, à commencer par celle de décembre 1974 au Royal Albert Hall avec le Royal Philharmonic Orchestra qui sera captée et retransmise par la BBC. Il s'agit naturellement de la version la plus connues car plus largement diffusée à l'époque (et aujourd'hui sur Youtube). On dit d'ailleurs que Mike Oldfield aurait été assez acerbe en découvrant le résultat, et se serait moqué de la prestation de Steve Hillage qui, techniquement, jouait donc à sa place...

David Bedford en chef d'orchestre durant la représentation d'Hergest Ridge au Royal Albert Hall en décembre 1974 (gauche) / Steve Hillage dans son style bien à lui pendant son solo sur The Orchestral Tubular Bells (droite)

C'est le 5 septembre 1975 qu'un nouvel enregistrement est commis lors du concert à Glasgow en Ecosse, et retransmis en 1976 à la radio. Mixée au Manoir, il s'agit finalement de la meilleure source audio existante de cet arrangement d'Hergest Ridge, et celle qui est à l'origine de cette édition, 50 ans plus tard, après qu'une bande fut redécouverte très récemment ! 

Des extraits de The Orchestral Hergest Ridge étaient déjà parus en 1979 dans le documentaire The Space Movie réalisé par Tony Palmer. A l'époque, la bande son, qui regroupait également d'autres morceaux inédits de Mike Oldfield, était même en passe d'être éditée sur vinyle, mais le projet fût abandonné plusieurs fois. Seule une édition CD en 2015 vit le jour, mais l'absence totale de traitement sur la bande sonore a vite douché l'espoir de profiter enfin d'une édition correcte de l'œuvre.

Jusqu'à aujourd'hui, seules les éditions pirates qui circulaient parmi les fans permettaient de découvrir cette archive, véritable pépite dans la discographie parallèle de Mike Oldfield. Mention spécial pour l'ami Jan Flaška et son gros travail de remastering indépendant sur plusieurs œuvres de Mike Oldfield, et qui, jusque là, avait proposé selon moi la meilleure résolution sonore.

Que vaut ce nouveau disque ?


Le jour est donc enfin arrivé où une édition digne de ce nom propose d'écouter pour la première fois une version restaurée de la source originale issue de la représentation de septembre 1975 par le Scottish National Orchestra avec Steve Hillage à la guitare électrique. Et c'est un vrai plaisir !

La restitution de l'enregistrement est largement à la hauteur, grâce notamment à la qualité de la captation par le studio mobile du Manoir et évidemment au traitement opéré sur les bandes. Côté musique, c'est très personnel, mais j'ai toujours considéré cette adaptation comme une merveille. David Bedford a réussi à surpasser le travail fait sur l'arrangement de Tubular Bells qui était, selon moi, plus dans la technicité. Ici, l'émotion est palpable et les rugissements de l'orchestre hérissent le poil plus d'une fois ! Steve Hillage n'est pas en reste avec ses envolés électriques qui donnent parfois l'impression qu'il improvise en se réappropriant les mélodies originales. Il y a de la maitrise, c'est incontestable. Ce n'est pas pour rien qu'il est encore aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands guitaristes psychédéliques de l'histoire du rock...


Tout cela ne serait pas parfait sans un contenu physique approprié, et encore une fois c'est une bonne surprise, car, au delà du fait que l'ensemble des visuels ont été sélectionnés spécialement, l'édition vinyle propose une triple pochette ouvrante renfermant une réplique du programme de l'époque distribué pour la représentation de Glasgow (grâce au partage de notre ami Yannick Dély d'ailleurs !). Une note par Philip Newell, alors ingénieur son chez Virgin, vient également apporter un peu de contexte et de souvenir autour de l'œuvre.

A noter que l'édition vinyle standard (noir) est limitée à 1000 exemplaires et qu'un pressage spécial sur vinyle transparent (aujourd'hui épuisé) est lui limité à 100 exemplaires numérotés, mais le contenu reste le même sur les deux éditions. L'édition simple sur CD quant à elle ne contient pas la reproduction du programme de l'époque et n'est pas annoncée comme limitée.

Tout est à retrouver sur la boutique en ligne affiliée au label : musicglue.com
Les commandes partent du Royaume-Uni, mais n'hésitez pas à partager les liens vers des revendeurs FR ou européens s'il en existe !

En bonus


Pour aller plus loin dans l'histoire, Philip Newell nous a partagé au moment de la confection de ce disque son souvenir de l'époque autour des orchestrations de Tubular Bells et Hergest Ridge. Il revient sur la genèse du projet et éclaircit certains mystères au sujet de The Orchestral Hergest Ridge. C'est une sorte de version longue de la note publiée sur le livret qui est ici traduite en français. 
Bonne lecture ! (cliquez ci-dessous)

L'histoire de The Orchestral Hergest Ridge, par Philip Newell (propos compilés avec l'assistance de Chris Hollebone and David Porter)

Cet article tente de clarifier l’histoire autour des enregistrements des années 1970 de The Orchestral Hergest Ridge, car une grande partie de ce que l’on trouve écrit à leur sujet sur Internet et ailleurs repose souvent sur des rumeurs inexactes et des malentendus. En réalité, l’histoire a commencé en 1974, avant même la sortie de l’album original Hergest Ridge. Après que des extraits de l’album original Tubular Bells eurent été utilisés dans le film L’Exorciste, en décembre 1973, l’exposition médiatique liée au film fit grimper Tubular Bells dans les classements britanniques, et stimula les précommandes du deuxième album de Mike, Hergest Ridge – dont les ventes s’annonçaient très prometteuses. Dans l’industrie du disque, l’élan des ventes est crucial : ainsi, presque avant la sortie de Hergest Ridge, Mike subissait déjà une certaine pression de Virgin Records pour commencer l’enregistrement d’un second album aussi vite que possible – bien que son énergie créatrice ait été sérieusement épuisée par la réalisation de ces deux premiers albums.

Après avoir terminé l’enregistrement et le mixage de Hergest Ridge, Mike était épuisé, et ressentait un besoin urgent de repos et de détente – de préférence chez lui. La sortie d’un éventuel troisième album ne semblait pas possible avant au moins un an, ce qui inquiétait Richard Branson. Pour maintenir Mike sous les projecteurs et continuer à vendre ses disques, Richard se mit donc à envisager la possibilité d’enregistrer des versions orchestrales de Tubular Bells et Hergest Ridge. À vrai dire, les deux compositions possédaient déjà une structure quasi orchestrale, et le souhait de Richard n’était donc pas déraisonnable d’un point de vue musical. De plus, David Bedford confirma que des orchestrations pour instruments classiques étaient parfaitement réalisables. Mais Mike, lui, n’y voyait aucun intérêt et refusa de coopérer. À ses yeux, les disques déjà publiés de Tubular Bells et Hergest Ridge constituaient les versions définitives de ces œuvres. Affaire classée.

Dans ces enregistrements, presque chaque note n’avait pas seulement été jouée par Mike, mais aussi ressentie émotionnellement par lui. Il pensait que des musiciens qu’il ne connaissait pas intimement – ou qui n’avaient pas de lien direct avec la musique – ne pourraient pas saisir pleinement l’émotion sous-jacente, et ne pourraient donc pas interpréter ces œuvres au niveau qu’il exigeait. Mike n’avait donc aucun intérêt à les revisiter, surtout si peu de temps après leur création. En outre, l’énergie créative qui lui restait devait désormais être entièrement consacrée à ce qui deviendrait son troisième album studio, Ommadawn, déjà perçu comme une tâche redoutable. Par conséquent, si des versions orchestrales de Tubular Bells et Hergest Ridge devaient voir le jour, elles devraient probablement se faire sans lui.

Néanmoins, l’idée initiale de Richard fut peut-être encouragée par le fait que David Bedford venait tout juste d’enregistrer son propre album orchestral pour Virgin Records, Star’s End, interprété par le Royal Philharmonic Orchestra (RPO), avec Mike Oldfield à la guitare. L’enregistrement avait eu lieu au Barking Town Hall (un lieu souvent utilisé comme studio pour les enregistrements orchestraux). Mais comme la musique de David était assez avant-gardiste, Vernon Handley (aujourd’hui nommé Commandeur de l'Empire Britannique), déjà connu pour son soutien à des styles musicaux non conventionnels, fut choisi comme chef d’orchestre, tandis que David assumait le rôle de producteur. Le choix du Barking Town Hall s’expliquait par ses qualités acoustiques adaptées aux partitions dynamiques de David. Une fois l’enregistrement terminé et jugé réussi, Virgin Records décida rapidement que des versions orchestrales de Tubular Bells et Hergest Ridge devaient être réalisées, et Richard confia à David la tâche de les orchestrer.

David estima d’abord qu’une version orchestrale de Tubular Bells nécessiterait environ 134 pages de transcription, et que Hergest Ridge pourrait en exiger plus de 200 [New Musical Express, 21 septembre 1974]. Des conversations directes entre deux des auteurs et David Bedford révèlent que l’orchestration de Tubular Bells lui prit environ trois mois, et qu’il s’attendait à ce que celle de Hergest Ridge demande encore plus de temps. Pourtant, bien avant la fin de l’été 1974, les partitions de The Orchestral Tubular Bells étaient achevées, et tout avait été organisé pour l’enregistrement. Le Barking Town Hall fut de nouveau choisi comme lieu, et le RPO comme orchestre. Durant la troisième semaine de septembre 1974, le studio mobile de Virgin, The Manor Mobile, fut installé devant la salle, prêt pour l’enregistrement. Cette fois, cependant, David Bedford dirigerait lui-même l’orchestre. Une fois l’enregistrement initial approuvé par la maison de disques, Richard tenait ainsi l’album « intermédiaire » dont Virgin (et peut-être le « momentum » de Mike) avait tant besoin.

Presque aussitôt après avoir achevé la partition de The Orchestral Tubular Bells, David Bedford se lança dans l’orchestration de Hergest Ridge. Dans ce contexte, les toutes premières représentations publiques de ces œuvres furent programmées au Royal Albert Hall, le 9 décembre 1974. Mais comme Mike Oldfield refusait toujours de participer, elles eurent lieu sans lui. En fait, à la fin de 1974, accablé par la pression, il était parti en Italie et en Grèce avec son frère Terry. Dans ses propres mots, rapportés dans Airborne magazine : « Il vivait une période très difficile : il était très fragile, confus face à tout ça. » Peut-être la distance géographique en Europe lui permit-elle de croire qu’on ne viendrait pas frapper à sa porte pour lui faire davantage de demandes. Il est possible aussi que ce voyage lui ait inspiré certaines idées qui aboutiront dans Ommadawn – comme la partie au bouzouki.

Deux ou trois semaines avant le concert du Royal Albert Hall, Steve Hillage fut recruté pour interpréter les passages à la guitare électrique, libérant ainsi Mike de cette tâche. The Manor Mobile fut également réservé pour enregistrer le concert à destination de la BBC – mais uniquement pour une diffusion, et non pour Virgin Records. Contrairement à ce qui a parfois été dit, le concert du 9 décembre ne fut pas diffusé en direct. Ce n’est que le 18 janvier 1975 que des extraits furent diffusés pour la première fois – simultanément sur BBC Two et BBC Radio 3. Ainsi, les spectateurs pouvaient profiter du son stéréo FM de la radio tout en regardant le concert à la télévision. (Et c’est seulement quelques heures après cette diffusion que Mike apprit par téléphone le décès de sa mère. Une période vraiment éprouvante pour lui.)

C’est certainement au début de janvier 1975, peu avant cette diffusion, que Mike ajouta enfin ses parties de guitare en overdub sur l’enregistrement de The Orchestral Tubular Bells réalisé au Barking Town Hall (probablement dans son propre studio). Peu après la diffusion, Mick Glossop et David Bedford mixèrent l’album au Manor Studio, dans l’Oxfordshire. L’album parut début février, offrant enfin au public une version définitive de The Orchestral Tubular Bells. Mais aucune version « studio » de The Orchestral Hergest Ridge ne fut jamais réalisée. Les concerts du Royal Albert Hall n’avaient été conçus qu’en tant qu’événement unique pour diffusion, et aucun droit d’enregistrement n’avait été négocié. De plus, rien n’indique que le RPO n’ait jamais rejoué The Orchestral Hergest Ridge au XXᵉ siècle, ni même que la deuxième partie n’ait jamais été enregistrée. En réalité, il n’est pas certain que David Bedford ait achevé son orchestration à temps, car entre ces concerts et l’enregistrement de The Orchestral Tubular Bells à Barking, il avait aussi dû préparer son concert Star’s End au Royal Albert Hall, le 5 novembre, encore avec le RPO.

Après le succès du concert de décembre, Radio Clyde proposa à Virgin Records de collaborer à l’enregistrement d’un concert similaire à Glasgow, cette fois avec le Scottish National Orchestra (SNO) et son chef Michael D. Davis, accompagné du chœur du SNO, Steve Hillage reprenant le rôle de guitariste. L’idée était d’enregistrer le concert pour une diffusion sur Radio Clyde, mais aussi d’enregistrer The Orchestral Hergest Ridge en vue d’un album. Après des négociations fructueuses, une date fut fixée au 5 septembre 1975 – presque un an après l’enregistrement de The Orchestral Tubular Bells. Le concert fut dirigé par Iain Sutherland, avec Patricia MacMahon comme soliste soprano, John Currie comme chef de chœur, et un groupe de flûtistes à bec de la Bellahouston Academy (où Jack Bruce avait été élève).

L’enregistrement fut mené par deux ingénieurs de Radio Clyde, Bob McDowall et Peter Shipton. Chris Hollebone et John Jacob amenèrent l’un des studios mobiles de Virgin à Glasgow, et travaillèrent aux côtés des ingénieurs de Radio Clyde. Cette fois, l’autorisation couvrait non seulement la diffusion – réalisée en format quadraphonique Sansui QS – mais aussi un éventuel album. Le mixage eut lieu au Manor Studio, à la mi-1976, avec Mick Glossop comme conseiller technique, pour guider les ingénieurs de Radio Clyde à travers les subtilités du matériel de mixage quadraphonique très avancé (et assez inhabituel) du Manoir.

Un mixage de l’album aurait probablement pu être prêt pour l’automne 1976, mais sa sortie aurait coïncidé avec celle de l’album Boxed de Mike Oldfield, paru le 29 octobre (à la suite d’Ommadawn). D’autres concerts avec le même programme furent organisés au Kelvin Hall, les 23 et 24 mai 1977, avec le SNO dirigé par Iain Sutherland et Steve Hillage à la guitare. Mais il semble qu’aucun droit d’enregistrement n’ait été négocié pour ces représentations, à cause du risque financier que cela impliquait, et parce que le marché musical était alors dominé par le punk-rock, quasiment à l’opposé des enregistrements orchestraux. De plus, on considérait que les enregistrements de 1975 n’auraient sans doute pas pu être surpassés – alors pourquoi recommencer ?

En 1979, certains extraits de l’enregistrement du SNO (et non du RPO) de The Orchestral Hergest Ridge furent utilisés dans la bande-son du film documentaire The Space Movie, réalisé par Tony Palmer pour Virgin Films, à la demande de la NASA, afin de célébrer le dixième anniversaire de l’alunissage d’Apollo 11. Mais il n’y eut pas d’autre publication de The Orchestral Hergest Ridge que cette bande-son, l’album prévu n’ayant jamais vu le jour, notamment à cause du manque d’intérêt perçu sur le marché et de l’accueil mitigé réservé au film.

Des décennies plus tard, certaines versions de The Orchestral Hergest Ridge sont apparues sur YouTube, attribuées au RPO, mais elles sont presque certainement celles du SNO. Elles ne correspondent ni au son ni au tempo des diffusions de janvier 1975 du concert du Royal Albert Hall par le RPO – ce que l’on peut vérifier facilement maintenant que Tony Staveacre, ancien producteur de la BBC, a mis ces enregistrements en ligne. Cependant, une cassette compacte de l’enregistrement du SNO a récemment refait surface : elle avait été réalisée en 1980 dans les salles de copie du studio The Town House, pour permettre à Philip Newell de prendre des décisions de montage pour l’album avorté de The Space Movie. Elle fut ensuite prêtée à David Porter, alors rédacteur du magazine de fans Airborne, pour écrire un article sur l’« album » presque mythique de The Orchestral Hergest Ridge, mais la cassette fut égarée et disparut pendant plusieurs décennies.

Néanmoins, lorsqu’elle réapparut, l’enregistrement s’avéra être en remarquablement bon état, et grâce aux outils modernes d’édition et de restauration numériques, une reproduction très présentable de The Orchestral Hergest Ridge peut à nouveau être entendue aujourd’hui.

PN. 11/09/2023


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