![]() |
The Orchestral Hergest Ridge (vinyle standard, 2025) |
Retour dans le passé
![]() |
David Bedford en chef d'orchestre durant la représentation d'Hergest Ridge au Royal Albert Hall en décembre 1974 (gauche) / Steve Hillage dans son style bien à lui pendant son solo sur The Orchestral Tubular Bells (droite) |
Que vaut ce nouveau disque ?

En bonus
L'histoire de The Orchestral Hergest Ridge, par Philip Newell (propos compilés avec l'assistance de Chris Hollebone and David Porter)
Cet article tente de clarifier l’histoire autour des
enregistrements des années 1970 de The Orchestral Hergest Ridge, car une
grande partie de ce que l’on trouve écrit à leur sujet sur Internet et ailleurs
repose souvent sur des rumeurs inexactes et des malentendus. En réalité,
l’histoire a commencé en 1974, avant même la sortie de l’album original Hergest
Ridge. Après que des extraits de l’album original Tubular Bells
eurent été utilisés dans le film L’Exorciste, en décembre 1973,
l’exposition médiatique liée au film fit grimper Tubular Bells dans les
classements britanniques, et stimula les précommandes du deuxième album de
Mike, Hergest Ridge – dont les ventes s’annonçaient très prometteuses.
Dans l’industrie du disque, l’élan des ventes est crucial : ainsi, presque
avant la sortie de Hergest Ridge, Mike subissait déjà une certaine
pression de Virgin Records pour commencer l’enregistrement d’un second album aussi
vite que possible – bien que son énergie créatrice ait été sérieusement épuisée
par la réalisation de ces deux premiers albums.
Après avoir terminé l’enregistrement et le mixage de Hergest
Ridge, Mike était épuisé, et ressentait un besoin urgent de repos et de
détente – de préférence chez lui. La sortie d’un éventuel troisième album ne
semblait pas possible avant au moins un an, ce qui inquiétait Richard Branson.
Pour maintenir Mike sous les projecteurs et continuer à vendre ses disques,
Richard se mit donc à envisager la possibilité d’enregistrer des versions
orchestrales de Tubular Bells et Hergest Ridge. À vrai dire, les
deux compositions possédaient déjà une structure quasi orchestrale, et le
souhait de Richard n’était donc pas déraisonnable d’un point de vue musical. De
plus, David Bedford confirma que des orchestrations pour instruments classiques
étaient parfaitement réalisables. Mais Mike, lui, n’y voyait aucun intérêt et
refusa de coopérer. À ses yeux, les disques déjà publiés de Tubular Bells
et Hergest Ridge constituaient les versions définitives de ces œuvres.
Affaire classée.
Dans ces enregistrements, presque chaque note n’avait pas
seulement été jouée par Mike, mais aussi ressentie émotionnellement par lui. Il
pensait que des musiciens qu’il ne connaissait pas intimement – ou qui
n’avaient pas de lien direct avec la musique – ne pourraient pas saisir
pleinement l’émotion sous-jacente, et ne pourraient donc pas interpréter ces
œuvres au niveau qu’il exigeait. Mike n’avait donc aucun intérêt à les
revisiter, surtout si peu de temps après leur création. En outre, l’énergie créative
qui lui restait devait désormais être entièrement consacrée à ce qui
deviendrait son troisième album studio, Ommadawn, déjà perçu comme une
tâche redoutable. Par conséquent, si des versions orchestrales de Tubular
Bells et Hergest Ridge devaient voir le jour, elles devraient
probablement se faire sans lui.
Néanmoins, l’idée initiale de Richard fut peut-être
encouragée par le fait que David Bedford venait tout juste d’enregistrer son
propre album orchestral pour Virgin Records, Star’s End, interprété par
le Royal Philharmonic Orchestra (RPO), avec Mike Oldfield à la guitare.
L’enregistrement avait eu lieu au Barking Town Hall (un lieu souvent utilisé
comme studio pour les enregistrements orchestraux). Mais comme la musique de
David était assez avant-gardiste, Vernon Handley (aujourd’hui nommé Commandeur
de l'Empire Britannique), déjà connu pour son soutien à des styles musicaux non
conventionnels, fut choisi comme chef d’orchestre, tandis que David assumait le
rôle de producteur. Le choix du Barking Town Hall s’expliquait par ses qualités
acoustiques adaptées aux partitions dynamiques de David. Une fois
l’enregistrement terminé et jugé réussi, Virgin Records décida rapidement que
des versions orchestrales de Tubular Bells et Hergest Ridge
devaient être réalisées, et Richard confia à David la tâche de les orchestrer.
David estima d’abord qu’une version orchestrale de Tubular
Bells nécessiterait environ 134 pages de transcription, et que Hergest
Ridge pourrait en exiger plus de 200 [New Musical Express, 21 septembre
1974]. Des conversations directes entre deux des auteurs et David Bedford
révèlent que l’orchestration de Tubular Bells lui prit environ trois
mois, et qu’il s’attendait à ce que celle de Hergest Ridge demande
encore plus de temps. Pourtant, bien avant la fin de l’été 1974, les partitions
de The Orchestral Tubular Bells étaient achevées, et tout avait été
organisé pour l’enregistrement. Le Barking Town Hall fut de nouveau choisi
comme lieu, et le RPO comme orchestre. Durant la troisième semaine de septembre
1974, le studio mobile de Virgin, The Manor Mobile, fut installé devant
la salle, prêt pour l’enregistrement. Cette fois, cependant, David Bedford
dirigerait lui-même l’orchestre. Une fois l’enregistrement initial approuvé par
la maison de disques, Richard tenait ainsi l’album « intermédiaire » dont Virgin
(et peut-être le « momentum » de Mike) avait tant besoin.
Presque aussitôt après avoir achevé la partition de The
Orchestral Tubular Bells, David Bedford se lança dans l’orchestration de Hergest
Ridge. Dans ce contexte, les toutes premières représentations publiques de
ces œuvres furent programmées au Royal Albert Hall, le 9 décembre 1974. Mais
comme Mike Oldfield refusait toujours de participer, elles eurent lieu sans
lui. En fait, à la fin de 1974, accablé par la pression, il était parti en
Italie et en Grèce avec son frère Terry. Dans ses propres mots, rapportés dans Airborne
magazine : « Il vivait une période très difficile : il était très fragile,
confus face à tout ça. » Peut-être la distance géographique en Europe lui
permit-elle de croire qu’on ne viendrait pas frapper à sa porte pour lui faire
davantage de demandes. Il est possible aussi que ce voyage lui ait inspiré
certaines idées qui aboutiront dans Ommadawn – comme la partie au
bouzouki.
Deux ou trois semaines avant le concert du Royal Albert
Hall, Steve Hillage fut recruté pour interpréter les passages à la guitare
électrique, libérant ainsi Mike de cette tâche. The Manor Mobile fut
également réservé pour enregistrer le concert à destination de la BBC – mais
uniquement pour une diffusion, et non pour Virgin Records. Contrairement à ce
qui a parfois été dit, le concert du 9 décembre ne fut pas diffusé en direct.
Ce n’est que le 18 janvier 1975 que des extraits furent diffusés pour la
première fois – simultanément sur BBC Two et BBC Radio 3. Ainsi, les
spectateurs pouvaient profiter du son stéréo FM de la radio tout en regardant
le concert à la télévision. (Et c’est seulement quelques heures après cette
diffusion que Mike apprit par téléphone le décès de sa mère. Une période
vraiment éprouvante pour lui.)
C’est certainement au début de janvier 1975, peu avant cette
diffusion, que Mike ajouta enfin ses parties de guitare en overdub sur
l’enregistrement de The Orchestral Tubular Bells réalisé au Barking Town
Hall (probablement dans son propre studio). Peu après la diffusion, Mick
Glossop et David Bedford mixèrent l’album au Manor Studio, dans l’Oxfordshire.
L’album parut début février, offrant enfin au public une version définitive de The
Orchestral Tubular Bells. Mais aucune version « studio » de The
Orchestral Hergest Ridge ne fut jamais réalisée. Les concerts du Royal
Albert Hall n’avaient été conçus qu’en tant qu’événement unique pour diffusion,
et aucun droit d’enregistrement n’avait été négocié. De plus, rien n’indique
que le RPO n’ait jamais rejoué The Orchestral Hergest Ridge au XXᵉ
siècle, ni même que la deuxième partie n’ait jamais été enregistrée. En
réalité, il n’est pas certain que David Bedford ait achevé son orchestration à
temps, car entre ces concerts et l’enregistrement de The Orchestral Tubular
Bells à Barking, il avait aussi dû préparer son concert Star’s End
au Royal Albert Hall, le 5 novembre, encore avec le RPO.
Après le succès du concert de décembre, Radio Clyde proposa
à Virgin Records de collaborer à l’enregistrement d’un concert similaire à
Glasgow, cette fois avec le Scottish National Orchestra (SNO) et son chef
Michael D. Davis, accompagné du chœur du SNO, Steve Hillage reprenant le rôle
de guitariste. L’idée était d’enregistrer le concert pour une diffusion sur
Radio Clyde, mais aussi d’enregistrer The Orchestral Hergest Ridge en
vue d’un album. Après des négociations fructueuses, une date fut fixée au 5
septembre 1975 – presque un an après l’enregistrement de The Orchestral
Tubular Bells. Le concert fut dirigé par Iain Sutherland, avec Patricia
MacMahon comme soliste soprano, John Currie comme chef de chœur, et un groupe
de flûtistes à bec de la Bellahouston Academy (où Jack Bruce avait été élève).
L’enregistrement fut mené par deux ingénieurs de Radio
Clyde, Bob McDowall et Peter Shipton. Chris Hollebone et John Jacob amenèrent
l’un des studios mobiles de Virgin à Glasgow, et travaillèrent aux côtés des
ingénieurs de Radio Clyde. Cette fois, l’autorisation couvrait non seulement la
diffusion – réalisée en format quadraphonique Sansui QS – mais aussi un
éventuel album. Le mixage eut lieu au Manor Studio, à la mi-1976, avec Mick
Glossop comme conseiller technique, pour guider les ingénieurs de Radio Clyde à
travers les subtilités du matériel de mixage quadraphonique très avancé (et
assez inhabituel) du Manoir.
Un mixage de l’album aurait probablement pu être prêt pour
l’automne 1976, mais sa sortie aurait coïncidé avec celle de l’album Boxed
de Mike Oldfield, paru le 29 octobre (à la suite d’Ommadawn). D’autres
concerts avec le même programme furent organisés au Kelvin Hall, les 23 et 24
mai 1977, avec le SNO dirigé par Iain Sutherland et Steve Hillage à la guitare.
Mais il semble qu’aucun droit d’enregistrement n’ait été négocié pour ces
représentations, à cause du risque financier que cela impliquait, et parce que
le marché musical était alors dominé par le punk-rock, quasiment à l’opposé des
enregistrements orchestraux. De plus, on considérait que les enregistrements de
1975 n’auraient sans doute pas pu être surpassés – alors pourquoi recommencer ?
En 1979, certains extraits de l’enregistrement du SNO (et
non du RPO) de The Orchestral Hergest Ridge furent utilisés dans la
bande-son du film documentaire The Space Movie, réalisé par Tony Palmer
pour Virgin Films, à la demande de la NASA, afin de célébrer le dixième
anniversaire de l’alunissage d’Apollo 11. Mais il n’y eut pas d’autre
publication de The Orchestral Hergest Ridge que cette bande-son, l’album
prévu n’ayant jamais vu le jour, notamment à cause du manque d’intérêt perçu
sur le marché et de l’accueil mitigé réservé au film.
Des décennies plus tard, certaines versions de The
Orchestral Hergest Ridge sont apparues sur YouTube, attribuées au RPO, mais
elles sont presque certainement celles du SNO. Elles ne correspondent ni au son
ni au tempo des diffusions de janvier 1975 du concert du Royal Albert Hall par
le RPO – ce que l’on peut vérifier facilement maintenant que Tony Staveacre,
ancien producteur de la BBC, a mis ces enregistrements en ligne. Cependant, une
cassette compacte de l’enregistrement du SNO a récemment refait surface : elle
avait été réalisée en 1980 dans les salles de copie du studio The Town House,
pour permettre à Philip Newell de prendre des décisions de montage pour l’album
avorté de The Space Movie. Elle fut ensuite prêtée à David Porter, alors
rédacteur du magazine de fans Airborne, pour écrire un article sur l’«
album » presque mythique de The Orchestral Hergest Ridge, mais la
cassette fut égarée et disparut pendant plusieurs décennies.
Néanmoins, lorsqu’elle réapparut, l’enregistrement s’avéra
être en remarquablement bon état, et grâce aux outils modernes d’édition et de
restauration numériques, une reproduction très présentable de The Orchestral
Hergest Ridge peut à nouveau être entendue aujourd’hui.
PN. 11/09/2023
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire