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jeudi 22 septembre 2016

TUBULAR BELLS : Chronique de Rock & Folk n°86 de mars 1974 (par Daniel Vermeille)


Rock & Folk n°86 Mars 1974

MIKE OLDFIELD

TUBULAR BELLS
Virgin 840.018 (dist. Barclay)
Rock & Folk n°86 (mars 74)
Il y a mieux à dire que de juger Mike Oldfield comme un Todd Rundgren anglais, et il est inutile de mentir en disant « on s'en doutait déjà lorsqu'il jouait avec Kevin Ayers », car ce n'est absolument pas honnête vis à vis de « ce » que ce disque risque d'entraîner en Angleterre sur le plan musical. Avec Kevin, Mike Oldfield se comportait comme un de ces petits solistes anglais nerveux qui ont beaucoup d'imagination mais ne possèdent pas le don de se poser en retrait de l'ensemble et d'analyser/prolonger leur rôle initial. Maintenant, il a acquis cette seconde vue, tout en travaillant plusieurs autres instruments. Devenu presque un « one-man band », il insuffle alors un nouvel élan à son talent de multi-instrumentiste, un « troisième œil » qui n'appartient qu'aux producteurs expérimentés ; le don de revenir perpétuellement sur soi-même sans s'arrêter en chemin. Peu d'artistes ont cette lucidité à cet âge et, sans vouloir crier au génie (il est trop facile de réaliser la source d'une telle énergie !), contentons-nous de reconnaître Mike Oldfield comme le premier musicien (anglais de surcroît) à avoir dépassé le stade amateur de l'expérimentation La Monte Young/Terry Riley, qui a été bien mal analysée et surestimée depuis les honteuses introductions à-la-Soft Machine...

Le « canevas » de l'unique morceau couvrant les deux faces est assez accessible, dans son développement, à n'importe quel auditeur, car toute froideur et décomposition évidente en sont absentes. Les premières écoutes surprennent et charment à la fois, elles n'agissent pas séparément, et cette réception simultanée des sentiments en fait une œuvre riche, mais avant tout simple et émotive. Les délicats arpèges de guitare s'imposent comme un interlude vivant entre les deux faces, repoussant les influences (harmonies classiques et citations folkloriques) au stade de composantes ordinaires fondues sans artifice dans la beauté de l'ensemble, qui semble l'emporter sur n'importe quelle autre considération en usage outre-Manche. Une simple musique de film qui ne se voit pas en état passif, mais s'entend et se réécoute de l'intérieur, les yeux fermés sur des paysages bucoliques pétrifiés par quelque fée insouciante et peuplés de gnomes qui vous touchent sans vous sentir, juste pour remettre au même niveau les herbes et les fleurs par d'habiles superpositions de mandolines et de guitares sèches (milieu face II). « Tubular Bells » est une musique de parfums naturels qui, même si sa progression rappelle celle des raga-rocks d'il y a cinq ans, a cherché et découvert d'autres sens et attitudes aux qualificatifs les plus variés du mot beauté. Malheureusement, les « Tubular Bells » sonnent l'heure d'un sommeil compté, et le rêve opiacé a tendance à s'écourter après chaque nouvelle expérience répétée. Il reste alors à espérer rapidement un dégagement de l'impasse de la première fuite en se réjouissant de la parution prochaine de la seconde qui, sans aucun doute, sera encore supérieure à celle-ci...

— DANIEL VERMEILLE.

Un Grand Merci à Georges pour avoir eu l'amitié de partager cette chronique !

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