-->

dimanche 8 janvier 2017

Interview de Mike Oldfield pour Classic Rock Magazine (232, fév 2017) - Traduction


Un nouvel entretien de Mike Oldfield vient d'être publié dans le nouveau numéro de Classic Rock Magazine du mois de février 2017 (#232), qui a finalement pu être édité malgré la situation du groupe auquel appartient le magazine (TeamRock, dont fait aussi partie Prog Mag, est en difficulté financière depuis fin 2016, et rien n'est sûr quant à l'avenir de ses magazines...).

Cette interview montre en tout cas un Mike Oldfield très enthousiaste et avec toujours autant d'humour. Il revient notamment sur les différentes épreuves qu'il a traversées pour enregistrer son nouvel album qui sonne comme un véritable album libérateur. Il donne également un peu plus de détails sur son prochain projet de réalité virtuelle... Bonne lecture !


Traduction de l'interview "Q&A" pour Classic Rock Magazine, par Paul Lester et Ian Witlen (n°232, Février 2017), p. 28 :

Ces dernières années ont été mouvementées pour Mike Oldfield. Il y a vécu "la consécration absolue" : sa performance lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de 2012. Puis, en 2015, son fils ainé est mort. Dans les mêmes temps, son troisième mariage se cloturait par un divorce, le musicien qui contribua à construire l'empire Virgin de Richard Branson avec son album Tubular Bells en 1973 se remet encore du choc émotionnel et financier. "J'ai eu plus d'avocats que d'amis" dit-il avec un léger rire de sa maison à Nassau. "Depuis les Jeux Olympiques j'ai été confronté au coté obscur de la vie et de la nature humaine. Mais malgré tout, ça n'a pas été ennuyeux."

Votre dernier disque, Return To Ommadawn, revisite votre album de 1975, Ommadawn. Au lieu d'opter pour une mise à jour de la photo de vous par David Bailey, vous avez choisi un paysage de désolation hivernal. 
Oui, j'étais en train de visionner l'intégrale de Game Of Thrones lorsque l'idée d'une pochette hivernal m'est venue. Elle évoque le fait d'être perdu dans la neige et de trouver un refuge.

Ommadawn fût réalisé dans des circonstances difficiles : votre mère est décédée ; vous fuyiez la célébrité amenée par Tubular Bells. Cette fois c'est encore plus tragique. Ne ressentez-vous pas une sensation de déjà-vu ?
[Il tousse] Parfois la vie vous met à l'épreuve. Les quatre dernières années ont été très difficiles. J'attribue cela à la capacité qu'a la vie à rétablir un certain équilibre. La période autour des Jeux Olympiques était si belle, ça ne pouvait pas durer indéfiniment. J'ai mis mes émotions dans la musique, surtout dans la guitare. Ca vous donne de la puissance. Sans cela, vous faites de la musique fade, qui ne tire pas sur la corde sensible.

Le titre Return To Ommadawn évoque un retour vers un lieu, voire même un état d'esprit ?
C'est plus un état d'esprit - un état d'esprit musical. Ommadawn fût assez bien accueilli par la critique - tout le monde l'adorait. Il a marqué la fin de la première phase de ma carrière musicale, avec ces trois premiers albums [Tubular Bells, Hergest Ridge en 1974 et Ommadawn]. Ensuite avec l'album suivant [Incantations en 1978], c'est un peu devenu bizarre. C'était le temps des 'skinny guys shouting' [criards maigrichons] - c'est le nom que je donne aux chanteurs de punk - et il y a eu un manque d'intérêt pour le genre de musique que je faisais.

Aviez-vous quelques affinités avec les groupes plus expérimentaux de votre label, comme XTC, Magazine ou Simple Minds ?
Oh non, je les détestais tous, argh ! C'était plus difficile pour moi à l'époque, j'étais calomnié par la presse musicale, la musique progressive était ridiculisée... Pour survivre, il a fallu que je m'adapte au grand public. J'ai sorti les singles Guilty et Moonlight Shadow. Mais je me suis perdu vers la fin des années 80. Les Jeux Olympiques ont confirmé ma notoriété et je me suis senti à l'aise pour redevenir moi-même, ce qui correspond vraiment à mes trois premiers albums. Alors j'ai laissé planer l'idée d'un Return To Ommadawn sur internet et les réponses furent très favorables. Ca s'est pratiquement fait à la Demande Générale.

Vous êtes un personnage très changeant : le timide, le génie hippie et anxieux, le pilote qualifié et mordu de vitesse, le fêtard d'Ibiza des années 90...
Oui, mais ce sont des périodes différentes. J'ai toujours rêvé d'avoir de grosses cylindrées, depuis que j'étais petit. Au final, j'ai passé mon permis de moto en 2005 et je suis devenu fou, j'en ai acheté toute une collection : une R1, une Fireblade, une Ducati... Je n'ai jamais eu peur de conduire des motos de course.

La peur que vous ressentiez était plus abstraite - une crainte existentielle ?
C'est exact. Mais il y a longtemps, dans les années 70. J'ai tenté une expérience de renaissance [Exegesis] et j'ai chassé cette terreur existentielle de mon système. J'ai réussi à ressortir le souvenir du moment de ma naissance, d'où venait toutes ces terreurs et ces crises de panique. Ce fût une véritable révélation pour moi. J'étais plus heureux. Mais au même moment, j'ai perdu cette terreur qui procurait à ma musique une intensité surchargée d'émotion. D'une certaine manière, durant ces quatre dernières années, les circonstances ont fait que j'ai rétrouvé mon 'mojo' - ou appelez ça comme vous voudrez.

Y-a-t-il deux sortes de fans : ceux qui 'comprennent' votre intensité émotionnelle, et ceux qui n'entendent qu'une agréable musique pour se relaxer ?
Sans aucun doute. Certaines personnes n'écoutent pas l'intensité émotionnelle, mais aiment simplement entendre une belle mélodie, un bon rythme. J'ai fait beaucoup de morceaux comme ça et il y a une bonne partie des fans qui aime ce genre de musique. Mais encore une fois, certains sont complètement allergiques à ça. Un jour j'ai joué Tubular Bells devant un groupe américain de fans de hard rock et ils disaient "C'est quoi ça ? Arrête ça !" [Rires] C'était comme une torture pour eux.

Alors que Return To Ommadawn est un exorcisme pour vous ?
Quelque chose comme ça.

Par l'homme qui a signé la musique de L'Exorciste.
Vous savez, après Tubular Bells ils voulaient utiliser ma musique dans toutes sortes de films d'horreur crados. Mais L'Exorciste n'est pas vraiment un film d'horreur selon moi. Ca parle de se débarrasser du démon.

Où pensez-vous vous situer dans le panthéon des musiciens britaniques de ces 45 dernières années ?
Nulle part. Ommadawn - c'est celtique ? La plupart des musiques de folklore irlandais n'ont pas de tambours ou de chanteurs africains. Au moins ils ont arreté de me considérer comme New Age. La seule chose qui importe c'est que, lorsque je quitterai ce monde, je laisserai énormément derrière moi, et que, je l'espère, cela intéressera et réconfortera les gens encore des années.

C'est quoi la suite ?
Il y a Tubular Bells 4, qui, comme Return To Ommadawn, sera entièrement joué à la main. Et je suis en train de créer un monde de réalité virtuelle où le but ne sera pas de tirer et tuer tout ce qui nous passe sous les yeux - vous expérimenterez juste une multitude de jolis graphismes : des systèmes de particules, des nuages, l'espace, l'eau, des couchers de soleil, tout en 3D, avec une belle musique en fond. Je réalise tout moi-même, à part l'écriture du code.

Qu'est-ce que les jeunes joueurs feront de ça ?
Oh, ils diront sans doute [voix d'ado en colère et ennuyé]. "Alors je suis censé tirer sur quoi ?" [Rires amusés]. Je vais surement y intégrer un stand de tir qui leur sera dédié, ce sera en option.

--
Return To Ommadawn (2017) par Mike Oldfield ; édité chez UMC/Virgin EMI ; date de sortie le 20 janvier 2017. Précommandes / Preorders


Forum

1 commentaire:

Al a dit…

Belle interview, vraiment intéressante! merci pr cette traduction