Interview pour Express (Royaume-Uni) - 2 mars 2014

"Quand vous arrivez à mon âge, il devient très difficile de choisir une photo favorite. Mais j’ai jeté un œil à quelques clichés pris à l’extérieur de ma maison aux Bahamas en début d’année et celle-ci m’a sauté aux yeux. Je suis détendu, je joue de la guitare… Je trouve que cette photo résume une sorte de moment marquant dans ma vie. J’ai eu 60 ans, je suis devenu grand-père récemment, je me sens bien installé et je fais toujours de la musique. Qu’est-ce que je pourrai demander de plus ? Ce sentiment me vient à chaque fois que je regarde à la fenêtre de mon studio. Être à terre et regarder continuellement la mer vous donne ce réel sentiment de ce qui se passe là-bas. Je ne voudrais pas dire que je suis un expert ou quoique ce soit, mais j’ai appris un peu sur les vents, les courants et la belle vie en mer que vous trouvez dans cette partie du monde.

Parfois, la mer est juste synonyme d’indépendance – elle va subitement changer de couleur ou commencer à s’agiter sans raison. Et bien sûr il y a les ouragans. J’étais là pendant l’ouragan Irene de 2011. J’étais sur le ponton quand je l’ai entendu arriver pour la première fois, vous pouviez le sentir dans l’air. Puis, il a commencé à gronder au-dessus de la mer. C’était le moment de rentré, accrocher les volets et s’accroupir. En aucun cas, vous ne devez quitter l’endroit où vous êtes en sécurité jusqu’à ce que vous soyez sûr que c’est terminé. C’est seulement après que vous pouvez sortir la tête dehors pour constater les dégâts. Heureusement, ça n’arrive que rarement et la vie aux Bahamas est merveilleuse. L’économie est en plein essor, ce qui veut dire qu’il y a du travail et que les gens sont heureux, mais lorsque que vous quittez la côte, et que vous allez dans les petits villages, le sentiment est différent. Ça me rappelle l’Angleterre dans les années 50. Les gens sont distingués, ils parlent dans la rue, les enfants sont dans leur uniforme d’école et la police arrête la circulation au niveau des passages piétons. Et si vous voulez trouver un véritable endroit naturel, il vous faut juste faire un court trajet en bateau et accoster sur une des nombreuses îles inhabitées. Il n’y a littéralement personne sur la plage à part vous. J’aime ce sentiment, comme si j’étais Robinson Crusoé pour un après-midi. La mer a certainement pris une place privilégiée dans ma musique au fil des années. Il y a un morceau qui s’appelle Sailing – pas la chanson de Rod Stewart – sur mon nouvel album qui est beaucoup influencé par moi me voyant assis sur la jeté, jouant de la guitare, n’écoutant que la mer et pensant à la vie. Je n’ai jamais pensé que ma carrière se ferait dans la musique. Je me souviens juste regarder des gens comme Hank Marvin et Bert Weedon à la télé et être captivé par le son d’une guitare. Il y avait une boutique de prêteur sur gages près de la maison de mes parents, à Reading, et ils avaient une petite guitare rouge en vitrine. J’ai harcelé mon père pendant des semaines et, un jour, elle est apparue dans ma chambre. Découvrir la musique a coïncidé avec une triste période pour ma famille – ma mère était très malade et je me suis en quelques sortes refermé sur moi-même. La musique est devenue mon refuge. Je sortais avec des amis, mais je ne bavardais pas – je ne faisais que jouer à la guitare. La musique était ma manière de communiquer. C’est drôle comme une période aussi horrible de votre vie peut être si bénéfique plus tard. A 60 ans, j’aimerais parfois revenir en arrière pour avoir une discussion avec mon double adolescent. J’aimerais le conseiller : «  Ne fait pas ça. Ne t’inquiète pas pour ça. Soit prudent quand tu fais ça… ». Je suppose que nous devons tous  faire des erreurs de toutes façons, pas vrai ? Ces erreurs sont faites pour apprendre. Vous apprenez par vous-même – les bons côtés de la vie comme les mauvais – et vous acceptez qui vous êtes. Il y a eu des moments dans ma vie où les choses n’étaient pas si bonnes, mais le mec que vous voyez sur cette photo est très heureux" Interview pour Express (2 mars 2014)