jeudi 13 février 2025

RÉÉDITIONS : une sortie vinyle peut en cacher une autre...

Mike Oldfield ayant officiellement raccroché ses guitares pour profiter de sa retraite aux Bahamas, l'actualité musicale du multi-instrumentiste est inévitablement inexistante. 
Ou presque.

Depuis plusieurs années, les labels Virgin et Warner ont multiplié les rééditions des anciens disques, et déterré des morceaux plus ou moins inédits selon les formats (le vinyle en tête). Les 50 ans de Tubular Bells ont bien entendu été une occasion immanquable pour proposer de la nouveauté (avec la démo de Tubular Bells 4), et le Disquaire Day est devenu un rendez-vous habituel pour profiter d'une réédition-évènement sur microsillons : Incantations (2021), Tubular Bells II (2022), Démo de Tubular Bells (2023), Démo de Hergest Ridge (2024) .

Mais cette année, le Record Store Day ne présentera rien du Maestro (pourtant on aurait pu s'attendre à la Lost Version d'Ommadawn). Ce qui ne veut pas dire que 2025, n'aura pas le droit à son lot de sorties !

En effet, depuis quelques jours, deux nouvelles références ont fait leur apparition sur certaines plateformes de vente en ligne. Il s'agit pour la première de Tubular Bells 2003, qui n'avait jusque là jamais bénéficié du format 33-tours, et qui vient donc compléter la collection des rééditions vinyles du catalogue Warner pour laquelle il ne manquera plus que Tr3s Lunas !

Réédition vinyle de Tubular Bells 2003 (2025)


Prévue initialement pour le 21 mars 2025 (d'autres sources parlent de mai), cette édition est présentée comme limitée et colorée (encore du bleu, pour changer...). Une réédition CD accompagnera cette sortie, mais a priori, il n'y aura pas d'exclusivité autre. La liste des pistes de l'album d'origine est reprise telle quelle, sans bonus.

Mais il y a plus ! Les amateurs de reprises plus classiques pourront profiter peut-être le même jour de la sortie de la version pour piano de Tubular Bells Part 1, célébrant ainsi les 20 ans de l'enregistrement réalisé à Culemborg aux Pays-Bas par le Piano Ensemble (version avec quatre pianos classiques, et version accompagnée de deux synthétiseurs). 
Une sortie plus anecdotique, on ne va pas se le cacher...

Tubular Bells Part 1 par Piano Ensemble (vinyle 2025)


L'année 2025 devrait encore nous réserver d'autres nouvelles galettes issues du catalogue Virgin qui fêtera notamment les 50 ans d'Ommadawn, même si rien n'indique pour le moment qu'une réédition soit prévue. D'autant plus que son prédécesseur, Hergest Ridge, n'a pas encore eu droit à sa célébration qui se fait de plus en plus attendre ! Le site SDE a d'ailleurs rappelé cette prochaine sortie pour 2025, sans en préciser le contenu, ni la date (en espérant qu'il ne subisse pas le même traitement Dolby Atmos que le remaster de Tubular Bells en 2023 sur blu-ray, malheureusement trop bâclé).

"La vague de ressorties du catalogue de Mike Oldfield devrait se poursuivre avec Hergest Ridge"
(20 janvier 2025 - SDE)


D'autres rumeurs circulent autour d'une toute première édition officielle de la version orchestrale d'Hergest Ridge conduite par David Bedford, avec Steve Hillage à la guitare (Mike Oldfield n'étant pas impliqué dans ce projet). Cette sortie plusieurs fois annulée est une véritable arlésienne depuis 1975, et ce serait effectivement une très bonne surprise, même si Mike n'est pas connu pour être un grand amateur de cette adaptation !

Enfin, je tiens à préciser que cette 'actualité' ne concerne que les sorties officielles sur supports physiques. Il y a bien plus depuis quelques années, notamment autour des spectacles-hommages qui se produisent régulièrement en Europe (malheureusement rarement en France). La liste n'est pas exhaustive, mais on peut citer notamment : 

Tubular Bells Live! (Royaume-Uni) 
Opus One (Catalogne) 
Tubular Tribute (Espagne)
The Sentinels (Espagne)

Si vous avez la chance d'assister à certaines de ces représentations live, ou qu'une date en particulier peut intéresser la communauté, n'hésitez pas à le partager en commentaire !


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Tubular Bells 2003 (2025) de Mike Oldfield, réédité sur vinyle et CD par Warner Music. Date de sortie le 21 mars 2025. Commander / Order

Tubular Bells Part 1 (2025) de Piano Ensemble, réédité sur vinyle par Brilliant Classics. Date de sortie le 21 février 2025. Commander / Order

jeudi 11 avril 2024

CARL PALMER : Sortie d'un nouveau coffret renfermant une rareté avec Mike Oldfield

Avis aux collectionneurs les plus 'complétistes', ou les fans de musique progressive en général, et plus particulièrement d'Emerson, Lake & Palmer

Ces derniers jours ont été marqués par la sortie d'un nouveau coffret retraçant la carrière du célèbre batteur britannique Carl Palmer, avec qui Mike Oldfield a collaboré au début des années 80, notamment sur la fresque Mount Teide présente sur l'album Five Miles Out (1982).

Fanfare For The Common Man, Carl Palmer (2024)

Cette édition Deluxe renferme donc 3 CD, 1 Blu-Ray et l'autobiographie du musicien intitulée Fanfare For The Common Man. L'occasion de se replonger dans les innombrables collaborations du musicien avec bien entendu les supergroupes ELP et Asia, mais aussi d'y découvrir des morceaux moins connus, voire presque oubliés.

Liste des pistes

L'anthologie ne pouvait pas passer à côté du travail réalisé avec notre Maestro, en y présentant les deux seuls morceaux connus, enregistrés lors des sessions studio de Five Miles Out : Mount Teide et Ready Mix ! Bien que le premier soit présent sur l'album original, le second n'a jamais été édité dans la discographie de Mike Oldfield, ce qui en fait une curiosité en soit. Mais, là où la plupart des morceaux inédits sont écoutables dans des versions plus ou moins bonnes, cet enregistrement de près de 4 minutes aurait très bien pu apparaitre tel quel sur une face B d'un single de l'époque.

Possiblement pressenti pour apparaitre sur le coffret Elements en 1993, l'instrumental Ready Mix restera donc inexploité, jusqu'à ce que Carl Palmer lui-même le sorte sur un best of en 2001, Do Ya Wanna Play, Carl?, aujourd'hui épuisé...

Techniquement, la sortie de ce nouveau coffret présente donc la seconde édition de Ready Mix, mais il n'en reste pas moins une rareté intéressante, dans la veine de Taurus II !



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Fanfare For The Common Man (2024) de Carl Palmer, édité en coffret Deluxe (3CD+Blu-Ray) par BMG. Date de sortie le 5 avril 2024. Commander / Order

vendredi 16 février 2024

HERGEST RIDGE : Les démos pressées sur vinyle pour le Disquaire Day 2024 !

Et oui ! Cette année marquera les 50 ans de la sortie du deuxième album solo de Mike Oldfield : Hergest Ridge. Plus pastoral que jamais et toujours aussi inspiré, ce sera également un nouveau succès pour le multi-instrumentiste puisqu'il détrônera son prédécesseur, Tubular Bells, bien installé à la première seconde place des charts depuis le succès de L'Exorciste.

Cette année ne dérogera donc pas à la règle du Record Store Day qui ne manque pas de célébrer les anniversaires marquants dans la discographie du Maestro, à chacune de ces éditions. Après Mike Oldfield's Single en 2013 (pour les 40 ans), Tubular Bells II en 2022 (pour les 30 ans), la démo de Tubular Bells en 2023 (pour les 50 ans), ...c'est donc celle d'Hergest Ridge qui bénéficiera d'une sortie sur vinyle le 20 avril prochain.

Hergest Ridge The 1974 Demo (sortie le 20 avril 2024)


Comme pour la sortie d'Opus One, l'année dernière, Hergest Ridge The 1974 Demo s'offre pour l'occasion une pochette originale reprenant la figure du planeur, qui a toujours été associé à l'album (Mike Oldfield étant un passionné de modélisme).

Ces démos sont déjà connues puisqu'elles étaient présentent sur l'édition Deluxe sortie en 2010 avec le nouveau mix de Mike Oldfield. Rien d'inédit donc, hormis le média d'écoute masterisé par Miles Showell à Abbey Road.

Pour rappel, le Disquaire Day est une journée censée célébrer les disquaires indépendants, et les sorties sont donc exclusives à ce secteur. Il faudra se rendre en boutique le jour J pour pouvoir profiter de certaines références qui risquent encore de s'arracher... Pour ce disque, il n'y aura certainement pas autant d'engouement, mais ce n'est pas dit non plus qu'il inonde le marché (on ne connait pas tirage)...

En attendant vous pouvez toujours vous remettre ces démos dans le casque puisqu'elles ont été ajoutées à la playlist Orabidooblog Radio pour l'occasion !


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Hergest Ridge The 1974 Demo (2024) par Mike Oldfield, édité en vinyle par Universal Music. Date de sortie le 20 avril 2024.

Forum

vendredi 26 janvier 2024

NINETEEN 73 : Edition remasterisée du premier live de Tubular Bells pour la BBC

Cette nouvelle année 2024 est inaugurée par une réédition CD de la toute première performance live de Tubular Bells, enregistrée le 25 juin 1973 au Queen Elizabeth Hall à Londres par la BBC.

Comme on pouvait s'en douter, cette nouvelle parution est non-officielle et s'ajoute à la longue liste des bootlegs qui ont pullulé ces dernières années, aussi bien en CD qu'en vinyle. Cette fois-ci, il s'agit du label anglais Audio Vaults, spécialiste du genre, qui annonce donc une version remasterisée de ce live, avec en prime une pochette originale.

Nineteen 73 (2024) - AV2018103

Au programme on y retrouve donc l'intégralité de l'album Tubular Bells, joué en live pour la première fois par Mike Oldfield, entouré de 'musiciens-amis' prestigieux : David Bedford, Mick Taylor, Steve Hillage, Pierre Moerlen, Geoff Leigh, John Field, Terry Oldfield, Tom Newman, Sally Oldfield, Kevin Ayers, Vivian Stanshall, et d'autres !

Espérons que pour cette édition la qualité numérique sera au rendez-vous !

Cette performance, pourtant mal pressentie par le principal intéressé, sera finalement un succès et un pari réussi pour le patron de Virgin, Richard Branson (qui, pour la petite histoire, y laissera quand même sa Bentley). Elle marquera la première déclinaison live de ce chef-d'œuvre qui sera jouer un nombre incalculable de fois à travers l'Europe, avec des orchestres et des versions aussi divers que variés. En témoignent les différentes tournées hommages, sur les routes encore en 2023-24 ...cinquante ans après.

Si vous souhaitez vous replonger dans cet épisode de la génèse du succès de Tubular Bells et de la carrière du Maestro, je vous conseille toujours le documentaire de la BBC réalisé en 2013 et disponible en version sous-titrée ICI (à partir de 37'20). Mike Oldfield revenait également dessus récemment, à l'occasion des 50 ans, dans son unique interview pour PROG.

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Nineteen 73 (2024) par Mike Oldfield & Friends, édité en CD par Audio Vaults. Date de sortie le 26 janvier 2024. Commander / Order

jeudi 29 juin 2023

OUTLANDERS : Une nouvelle version du titre Never Too Far (feat. Mike Oldfield)

Décidément, dix ans après sa sortie, Tubular Beats revient de loin ! Après la mise en avant de la version club de Tubular Bells revisitée par Torsten Stenzel (alias York) sur l'album des 50 ans sorti le mois dernier, c'est désormais au titre Never Too Far d'être dépoussiéré. 

Ce morceau est le fruit d'une collaboration entre Torjen Stenzel et Mike Oldfield - qui avaient déjà travaillé ensemble en 2012 sur l'album Islanders - et apparaîtra pour la première fois sur l'album de remix Tubular Beats (2013), une compilation de musiques issues de la discographie du Maestro revisitées par Stenzel à la sauce techno (faut aimer...). Officiellement, Never Too Far est d'ailleurs le dernier titre original d'un artiste sur lequel Mike Oldfield a joué. 

Chanté par Tarja (l'ex-chanteuse finlandaise du groupe Nightwish), Never Too Far ressort donc ce mois-ci dans le cadre du projet Outlanders (en CD et vinyle bleu), un album-compilation regroupant une douzaine de morceaux sur lesquels des guitaristes prestigieux étaient invités à poser leur patte. On y retrouve notamment Joe Satriani, Trevor Rabin (Yes), Marthy Friedman (Megadeath), Steve Rothery (Marillion), Al Di Meola, etc... rien que ça !

Outlanders (2023)

Mike Oldfield n'a pas réenregistré ses parties pour l'occasion, mais Torsten Stenzel a réarrangé le morceau et propose donc ici une nouvelle version avec plus de rythme. C'est un peu plus punchy que l'original mais sonne toujours très chill out / downtempo, un peu à la manière de Light + Shade, finalement... Pour les curieux, le morceau a en tout cas été ajouté à la playlist d'actu d'Orabidooblog Radio (Spotify). Jetez-y une oreille ! ;-)

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Outlanders (2023) par Tarja & Torsten Stenzel, édité en CD et vinyle par Ear Music. Date de sortie le 23 juin 2023. Commander / Order

mardi 6 juin 2023

CRITIQUE : Tubular Bells 50th Anniversary Edition (par Sid Smith, Prog #140)

MIKE OLDFIELD
Tubular Bells

Un classique révolutionnaire réédité à l'occasion de son jubilé d'or.


   Lorsque Kevin Ayers a chanté "It begins with a blessing/And it ends with a curse" [ça commence par une bénédiction/Et se termine en malédiction] sur Why Are We Sleeping alors que son groupe, The Whole World, jouait à Hyde Park à Londres en 1970, ses paroles pouvaient alors presque décrire l'avenir qui attendait son bassiste, alors âgé de 17 ans, après la composition et la sortie de Tubular Bells. Inspiré par les œuvres expérimentales de longue haleine de Keith Tippett et Terry Riley, Mike Oldfield a distillé de manière obsessionnelle ses influences avant-gardistes en une formule incroyablement accessible, dont la popularité et le cachet culturel auraient été impossibles à prédire, surtout par le compositeur lui-même. Lui apportant la sécurité financière, mais pas nécessairement le bonheur, les réverbérations de Tubular Bells tout au long de sa carrière ont été perçues par lui à la fois comme une bénédiction et comme une malédiction.

   Les nouveaux mixages Atmos et stéréo du producteur de Faultline, David Kosten, constituent sans aucun doute l'attraction principale de ce nouveau coffret [ces mix ne sont disponibles physiquement que sur l'édition Blu-ray, aujourd'hui épuisée...]. Bien que Prog n'ait pas reçu la version Atmos, la stéréo offre des panoramas impressionnants, surtout au casque. En apportant de la lumière et de l'espace entre des couches d'instruments pourtant densément empilées, de minuscules ajustements s'accumulent et émergent ainsi avec une ferveur surprenante, alors que la flûte s'illumine comme la rosée du matin et qu'à l'autre extrémité du spectre, les basses des cordes grondent avec une force inquiétante propre aux éléments. La deuxième partie, toujours plus fantaisiste, ajoute une touche de mordant à la section Piltdown Man, tandis que la longue coda, remplie d'orgues douloureux en fusion, contrasté par la lueur d'une guitare euphorique, brille d'une merveilleuse clarté, et ballait ainsi des décennies passé sous la poussière. 

   Disponible en plusieurs formats, le coffret du 50e anniversaire comprend également un sac de bric et de broc. Le terrible arrangement à la sauce swing [Swingular Bells] des Jeux olympiques de Londres de 2012, l'étonnant arrangement d'Oldfield du thème de The X-Files, et l'insipide Tubular Beat de York, sorte de version pour discothèque, sont autant de joyeusetés que seuls les Tubeheads les plus dévoués convoiteront. La démo de huit minutes de ce qui aurait été Tubular Bells IV si Oldfield n'avait pas décidé de mettre le projet en veilleuse est, elle, bien plus précieuse, car elle témoigne non seulement de son attrait et de sa fascination récurrents pour ce titre, mais aussi de son ADN musical agréablement malléable. 

   Oldfield venait d'avoir 20 ans en 1973 lorsque Tubular Bells a commencé à se vendre par millions dans le monde entier. Cinquante ans plus tard, il a annoncé qu'il prenait sa retraite. Au cours de sa vie professionnelle, bien que plusieurs de ses albums ultérieurs soient sans doute des compositions plus accomplies et plus ambitieuses, son premier album solo reste un héritage des plus remarquables et des plus durable. 


SID SMITH  

Prog #140, mai 2023 - traduit par Orabidooblog

Forum

lundi 5 juin 2023

INTERVIEW : Mike Oldfield raconte Tubular Bells pour PROG (#140, mai 2023) - version FR

Comme promis, voici la retranscription en français de la seule interview que Mike Oldfield a bien voulu donner à la presse spécialisée, à l'occasion de la réédition des 50 ans de son chef d'œuvre Tubular Bells.

Une interview suffisamment exceptionnelle pour justifier la une du magazine PROG de ce mois de mai (#140), et un dossier spécial agrémenté de photos d'époque et de témoignages d'autres artistes ayant pour la plus part participé au succès de l'album.

Prog #140, mai 2023

Comme cela a déjà été dit ailleurs, l'article s'en tient vraiment à l'histoire de Tubular Bells, Mike Oldfield revient surtout sur des faits qu'il avaient déjà abordé. Il s'agit donc d'un entretien intéressant pour quiconque découvre l'artiste et la genèse de l'album, mais qui laissera malheureusement la majorité des fans sur leur faim. La retraite annoncée par la maison de disque n'est pas expliquée ici, ni les véritables raisons du travail inachevé laissé sur Tubular Bells 4

Pour compléter cet article et faire le plein d'anecdotes autour de l'enregistrement de Tubular Bells, je vous conseille également celui de Tom Newman accordé au Daily Express en début d'année (traduction FR : ici). 

Bonne lecture !

Photo: Michael Putland

Des cloches en or [Golden Bells]


   Au début de l'année 1973, un jeune musicien de 19 ans originaire du sud-est de l'Angleterre se prépare à sortir son premier album solo et est sur le point d'accéder à la célébrité. Tubular Bells de Mike Oldfield ne ressemblait à rien d'autre à l'époque et a transformé l'ancien artiste folk en une célébrité mondiale aux multiples disques de platine. Dans une interview exclusive pour Prog, Oldfield célèbre le 50e anniversaire avec la réédition de ce disque ambient révolutionnaire, et raconte l'histoire de sa création et des suites qu'il a inspirées.

   Sans aucun doute l'un des musiciens les plus naturellement doués à avoir vu le jour en Angleterre, Mike Oldfield fête cette année son 70e anniversaire, qui coïncide avec le 50e anniversaire de son premier album solo, Tubular Bells. Né à Reading, dans le Berkshire, Mike a acquis sa première expérience professionnelle dans le domaine de la musique au sein du duo folk The Sallyangie, aux côtés de sa sœur Sally. Il a ensuite attiré l'attention de Kevin Ayers, jouant sur deux de ses albums cultes, Shooting At The Moon et Whatevershebringswesing. En 1971, Oldfield est bassiste dans le groupe de blues-rock The Arthur Louis Band et travaille en solo pendant son temps libre. C'est en septembre de cette année-là qu'une rencontre fatidique a lieu. Le Arthur Louis Band se rend pour les sessions d'enregistrement au Manor Studio dans l'Oxfordshire, une nouvelle installation appartenant à l'homme d'affaires Richard Branson et dirigée par les producteurs-ingénieurs Tom Newman et Simon Heyworth

   C'est Newman et Heyworth qui entendront pour la première fois le matériel solo sur lequel Oldfield travaillait. Impressionnés par le talent et la vision du jeune multi-instrumentiste, les deux hommes sont déterminés à enregistrer son travail. Ils convainquent rapidement Branson d'allouer officiellement du temps de studio au projet d'Oldfield et l'album terminé devint alors le tout premier album de Virgin Records. Depuis lors, Tubular Bells est devenu un phénomène et Mike Oldfield a connu une longue et illustre carrière. 

   Depuis son domicile aux Bahamas, Mike Oldfield parle avec passion de ses expériences musicales formatrices. 

   "Je me souviens m'être éveillé à la musique quand j'avais environ six ans", dit-il. "Notre famille possédait à l'époque un tourne-disque Dansette et ma première chanson mémorable était The Teddy Bears' Picnic (Le pique-nique des oursons). J'ai essayé de le demander à la radio, mais on ne me l'a jamais passé.

   "Ensuite, j'ai commencé à entendre ma mère jouer l'opéra de Puccini, Madame Butterfly, qui a probablement été la première musique classique que j'ai entendue. Ensuite, ma sœur a commencé à jouer beaucoup d'airs d'Elvis Presley et de Mario Lanza, jusqu'au jour où, en rentrant de l'école, j'ai entendu un morceau extraordinaire sur la Dansette. J'ai découvert qu'il s'agissait de la Cinquième Symphonie de Beethoven. Cela a eu un profond effet sur moi, même en tant qu'enfant de six ans - ma mâchoire s'est décrochée et je me suis dit : "Qu'est-ce que c'est ? J'étais enchanté"

   Le caractère unique de son enfance ne lui échappe pas. "J'ai eu la chance de naître à une époque extraordinaire pour la musique - l'aube des années 60 et la naissance du rock'n'roll. Les Beatles et les Stones sortaient leurs premiers disques et une musique de plus en plus excitante voyait le jour en permanence. J'ai donc suivi cette vague en tant que jeune auditeur pendant plus de 10 ans, tout en développant mes propres compétences musicales"

   Les goûts éclectiques d'Oldfield s'étendaient au-delà du blues-rock et de la musique classique. "Un jour, j'ai découvert les guitaristes folk Bert Jansch et John Renbourn", se souvient-il. 

   "Ils m'ont beaucoup inspiré avec leurs morceaux de guitare extraordinaires et complexes. J'ai passé d'interminables heures à les apprendre et à les copier note par note. C'est sur cette base que j'ai progressivement développé mon propre style de guitare, qui s'est très vite étendu aux guitares électriques de toutes sortes"

   L'univers musical de l'instrumentiste en herbe s'élargit rapidement. "J'ai découvert un groupe appelé Centipede lorsque je travaillais avec Kevin Ayers. Je les adorais car ils faisaient des choses intéressantes avec les overdubs et le multitracking. Plus tard, j'ai découvert des compositeurs plus classiques tels que Bach, Mozart, Sibelius, Faure et des pièces spéciales comme la Gymnopédie d'Erik Satie. Bien sûr, étant à moitié irlandais, j'adore la musique celtique, mais je ne compartimente pas les musiques que j'aime écouter - elles sont toutes de la musique pour mes oreilles et forment un ensemble parfait dans mon esprit"

   Ces influences variées ont fini par s'unir pour donner Tubular Bells, et l'attachement durable d'Oldfield pour cet album est évident.

   "Le premier Tubular Bells reste mon préféré", admet-il. "Il reste unique et a résisté à l'épreuve du temps. Je n'arrive pas à croire que 50 ans se sont écoulés depuis sa sortie"

   Prog demande alors à Oldfield quels sont ses souvenirs les plus marquants de cette période.
 
   "Ce fut un tel bouleversement dans ma vie", explique-t-il. "Je suis passé du jour au lendemain du statut de musicien de 19 ans, pratiquement fauché, à celui de célébrité mondiale. Même si j'étais ravi du succès de l'album, j'étais encore sous le choc des problèmes familiaux de mon enfance [lorsque Oldfield avait huit ans, sa mère a été placée sous tutelle en vertu de la loi sur la santé mentale et elle a vécu avec des problèmes de santé mentale jusqu'à sa mort en 1975], que j'ai longuement racontés dans mon autobiographie, Changeling. J'avais vraiment besoin de me reposer pendant un certain temps et de me ressaisir, mais soudain, je me suis rendu compte que le téléphone ne cessait pas de sonner - tout le monde voulait me parler"

   Le jeune multi-instrumentiste n'aurait jamais pu prévoir l'énorme succès de Tubular Bells, mais face à l'adversité, il est resté fidèle à sa vision. 

   "Je n'avais aucune idée de l'accueil qui serait réservé à l'album", déclare-t-il aujourd'hui. "Ma maquette avait été refusée par tant de maisons de disques au cours de l'année précédente. Ils pensaient tous que j'étais fou d'essayer de vendre de la musique instrumentale - ils n'arrêtaient pas de dire qu'il fallait des voix. Cependant, quelque chose en moi me disait de continuer, et je me souviens très bien de l'époque où je vivais à Tottenham, au nord de Londres, lorsque je travaillais sur les démos. C'était le printemps et je me souviens d'être allé me promener dans un parc voisin pour essayer de me détendre. A ce moment, j'ai compris que l'album sur lequel je travaillais était destiné à connaître un grand succès".
 
   C'était le coup de pouce dont Oldfield avait besoin.

   Il explique : "Je n'avais aucune preuve de ma conviction, mais c'était une forte prémonition, qui m'a donné la confiance nécessaire pour continuer contre vents et marées. Le fait que Tubular Bells ait été couronné de succès m'a aidé à avoir davantage confiance en moi et en mon intuition : tout au long de ma vie, j'ai essayé d'être fidèle à ma propre vision musicale et de ne jamais faire de compromis pour plaire aux autres"

   Tubular Bells n'était pas seulement révolutionnaire par son son, mais aussi par sa production. Sur les démos, Oldfield a expérimenté un magnétophone modifié pour créer les multiples couches de pistes et d'overdubs qui seraient plus tard recréées en studio. Prog se demande dans quelle mesure cette créativité l'a aidé à obtenir le son qu'il voulait. Sa réponse est catégorique.

   "La technologie", affirme-t-il, "est très importante pour ma musique et contribue grandement au son unique que j'essaie toujours de créer. Depuis l'enfance, j'ai toujours aimé faire des choses avec mes mains, y compris des maquettes d'avions et autres. J'ai découvert très tôt, en tant que musicien, que le son ou la "voix" d'un instrument particulier pouvait être modifié et amélioré grâce à une technologie de studio en constante évolution. 

   "Lorsque je veux créer une atmosphère ou une émotion particulière dans un morceau, j'expérimente de nombreux effets sonores différents jusqu'à ce que le résultat soit parfait. L'utilisation sensible d'un effet acoustique ou électrique particulier peut grandement influencer et approfondir la sensation ou l'émotion d'un instrument de musique. Les guitares, acoustiques et électriques, sont ma principale "voix" musicale. Au fil des ans, j'en ai accumulé une vaste collection. Mais j'utilise à chaque fois au maximum les effets sonores, le multipiste et l'égalisation spéciale, y compris la voix humaine, chaque fois que je sens que cela fonctionne."

   Tubular Bells est sorti en mai 1973, peu après le 20e anniversaire d'Oldfield, avec un concert unique spécial le 25 juin au Queen Elizabeth Hall de Londres. Oldfield est d'abord réticent à l'idée d'interpréter l'album en direct. 

   "La principale raison, explique-t-il, était que je ne pensais pas à l'époque qu'il était possible d'interpréter un morceau de musique enregistré de manière aussi complexe avec des musiciens sur scène." 

   Pour persuader Oldfield d'organiser le concert, le patron de Virgin Records, Richard Branson, lui a offert sa propre voiture Bentley. 

   "J'étais heureux d'avoir finalement accepté le chantage de Richard", sourit-il, "et je n'en croyais pas mes oreilles lorsque j'ai entendu l'ovation"

   Malgré cela, l'album ne devient pas un succès du jour au lendemain. En juillet 1973, le bouche à oreille et l'influence du DJ John Peel ont permis à l'album d'atteindre les charts au Royaume-Uni, mais ce n'est qu'avec la sortie de L'Exorciste en décembre de la même année qu'il a vraiment décollé. Bien que Tubular Bells Part I n'apparaisse que brièvement dans le film d'horreur surnaturel, la popularité du film a permis à l'album instrumental de passer la quasi-totalité de l'année 1974 dans le Top 10 britannique. À ce jour, ses ventes dépassent les 15 millions d'exemplaires dans le monde. 

   L'énormité du succès de l'album, à la fois critique et commercial, a pesé sur la psyché d'Oldfield.

   "J'ai littéralement couru me réfugier dans les collines", explique-t-il. "Pour être précis, j'ai couru vers les Brecon Beacons et le Herefordshire et, en désespoir de cause, j'ai acheté un cottage isolé, avec une vue magnifique et paisible sur Hergest Ridge. J'ai décroché le téléphone, j'ai mis un oreiller dessus et j'ai passé mon temps à me promener dans les collines. Cela m'a beaucoup aidé jusqu'à ce que j'accepte progressivement le fait que ma vie avait changé pour toujours. Richard [Branson] a désespérément essayé de me faire faire un tour du monde, mais c'était impossible pour moi à ce moment-là. Je trouvais les entretiens de plus en plus stressants et je les évitais autant que possible. Tout le monde voulait savoir : "Pourquoi avez-vous fait Tubular Bells ? Je leur répondais : "Je ne sais pas, c'est arrivé comme ça". Je voulais absolument qu'on me laisse tranquille et que j'essaie de travailler sur une nouvelle musique. Cela a toujours eu le pouvoir de calmer mon âme"

   Il faudra encore quelques décennies à Oldfield pour trouver un moyen plus durable de décompresser. 

   "J'ai appris la méditation transcendantale à l'époque où je travaillais sur The Songs Of Distant Earth [sorti en 1994]", dit-il, "et cela m'a beaucoup aidé. Elle est particulièrement utile en période de stress et permet de mieux comprendre les pensées souvent confuses qui remplissent notre conscience éveillée. Elle m'a aidé à créer un état de calme et de silence intérieur afin que les nouvelles idées puissent circuler plus librement. À cette époque, j'explorais également de nombreuses voies alternatives, dont le tai-chi et l'hypnothérapie, qui m'ont toutes été utiles dans de nombreux aspects de ma vie."

   Pour Oldfield, ce calme est clairement bénéfique, mais l'étincelle magique de la créativité est plus difficile à cerner. 

   "Lorsque je suis inspiré par un nouveau morceau de musique, réfléchit-il, je n'ai aucune idée de la manière dont l'inspiration se produit. C'est comme si j'étais porté par une vague mystérieuse qui est tellement pleine d'une énergie extraordinaire qu'il n'est pas nécessaire de la comprendre."

   En juin 1991, après la dissolution de son contrat de longue date avec Virgin Records, Oldfield a commencé à travailler sur la suite tant attendue de Tubular Bells, qui allait bientôt devenir son troisième album à figurer dans les hit-parades. 

   "J'ai signé un nouveau contrat avec Warner [Music]", explique-t-il, "et j'ai senti que c'était le moment idéal pour un nouveau départ. Je voulais créer un album qui conserve l'esprit de Tubular Bells I, mais j'avais acquis beaucoup plus d'expérience, tant sur le plan musical que sur celui de la technologie d'enregistrement. L'album a été enregistré à Los Angeles, où je vivais à l'époque". 

   Tom Newman est revenu travailler sur le projet, assistant le nouveau producteur Trevor Horn. L'acteur Alan Rickman joue le rôle de maître de cérémonie, et Oldfield se met en quête d'un nouveau jeu de cloches (les originales ayant été détruites depuis longtemps) dans un magasin de percussions de l'est de Londres. Tubular Bells II est sorti à la fin du mois d'août 1992 et est entré directement à la première place des charts au Royaume-Uni, soutenu par un concert de lancement au château d'Édimbourg, qu'il cite comme "l'une de mes performances live les plus agréables"

   Tubular Bells III, sorti six ans plus tard, a été créé dans des circonstances très différentes. "Je me suis installé sur l'île d'Ibiza en 1996", se souvient-il, "et j'ai demandé à un architecte de concevoir et de me construire une maison spéciale avec un studio avec vue sur la mer".

   À l'époque, la région était célèbre pour sa scène dance florissante, mais c'était aussi un terrain fertile pour de nombreux artistes, dont Michael Cretu du groupe ambient Enigma.

   "Ibiza était une île où l'on faisait la fête", explique Oldfield en riant, "et où la musique de club était très présente, avec le célèbre Café del Mar et la boîte de nuit Pacha. J'étais à la recherche d'une nouvelle vie et d'une nouvelle inspiration pour la troisième suite et j'ai certainement trouvé l'atmosphère propice à un nouveau son. J'ai commencé ma nouvelle variation du thème des cloches tubulaires par un rythme de danse que j'ai combiné avec des voix aiguës de style indien, ce qui lui a donné un caractère à la fois méditatif et excitant".

   Au milieu de l'année 1998, l'album était terminé. 

   "J'ai enregistré la dernière partie dans mon studio du Buckinghamshire au cours de l'été, puis j'ai obtenu l'autorisation du gouvernement britannique de jouer la première à la Horse Guards Parade à Londres." 

   Six ans jour pour jour après la représentation de Tubular Bells II à Édimbourg, Tubular Bells III fit ses débuts face aux éléments.

   "Ce fut une nuit merveilleuse et mémorable", se réjouit son créateur, "même si le ciel s'est ouvert sur une pluie apocalyptique à mi-parcours !" 

   Près de 40 ans après la sortie du disque original, Oldfield est retourné à Londres pour contribuer aux Jeux olympiques d'été de 2012.

   Il s'enthousiasme : "Composer et jouer pour la cérémonie d'ouverture a été, et est toujours, le point culminant de ma carrière musicale, principalement en raison de l'engagement et de l'enthousiasme de tous les participants. Je n'arrivais pas à croire que Tubular Bells avait été choisi, en partie, pour représenter le Royaume-Uni lors de cet événement spectaculaire. Travailler avec le réalisateur, Danny Boyle, et tous les autres participants a été une pure joie". 

   L'ampleur du projet a laissé un souvenir indélébile. 

   "Savoir que 900 millions de personnes regardaient le spectacle à la télévision et que la Reine [Elizabeth II] et de nombreux dirigeants du monde entier étaient présents a été un grand honneur. Je me suis rendue à Londres deux semaines à l'avance et, comme il y avait beaucoup d'autres artistes, j'ai eu la chance de pouvoir me détendre entre les répétitions. J'en ai profité pour me détendre et me promener dans les rues de la ville sur une moto Virgin Limo"

   À l'approche du 50e anniversaire de l'album original et de sa réédition définitive, Oldfield est songeur. 

   "C'est bien sûr un moment très spécial pour moi. J'ai fait appel à l'expertise de ma maison de disques pour trouver les idées parfaites pour célébrer cette étape particulière et je suis très heureux du résultat."

   Bien qu'il y ait eu des projets pour un quatrième album de Tubular Bells - la démo d'introduction à Tubular Bells 4, enregistrée en 2018, figure également sur les dernières rééditions - Oldfield a depuis annoncé sa retraite et il semble maintenant peu probable que le projet fini soit un jour publié. Cependant, la marque qu'il a laissée sur la musique progressive est indéniable. 

   "J'ai un message", dit-il en guise de conclusion, "et un mot d'encouragement pour tous les jeunes musiciens talentueux d'aujourd'hui qui luttent peut-être pour se faire entendre : continuez à jouer votre musique en direct, qu'elle soit enregistrée ou sur scène, et donnez toujours une performance sincère. Ne compromettez jamais votre vision musicale unique et vous aurez les meilleures chances de succès."


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Tubular Bells et moi : Simon Heyworth (Le Producteur)


L'ingénieur et producteur Simon Heyworth a travaillé avec une foule de grands noms du prog au fil des ans, mais au début des années 70, il a apprit son métier sur le tas, aux côtés de Tom Newman, en créant le Manor Studio à partir de rien dans un bâtiment classé Grade II.

Quels sont vos souvenirs de la création du Manor Studio ?
Cela nous a pris environ un an et demi. J'ai tout appris sur les consoles d'enregistrement, les microphones et tout le reste. Au début, il y avait surtout Tom et moi. Pendant ces deux premières années, j'ai appris tout ce qui concernait le mixage et, bien sûr, [l'ingénieur en chef] Phil Newell a eu une influence considérable ; il avait de grandes connaissances. Au début, j'étais opérateur de bande, puis j'ai commencé à m'asseoir, à mixer, à enregistrer, etc.

Quand avez-vous rencontré Mike Oldfield pour la première fois ?
Un matin, nous nous amusions à enregistrer et Richard [Branson] nous a envoyé un groupe appelé The Arthur Lewis Band. Il y avait dans ce groupe un jeune guitariste appelé Mike Oldfield. Nous étions encore en train d'essayer d'organiser le studio. L'endroit était jonché de matériel. Nous avions une énorme console à transistor installée dans la maison et en bas, il y avait une sorte de petite pièce confortable, avec une très belle vue sur le jardin. Certains matins, elle était très lumineuse. Un matin, vers cinq heures, je suis descendu et j'ai trouvé Mike assis par terre dans cette belle pièce, le soleil se levait et il jouait les premiers riffs de Tubular Bells. Mike était en train de faire de l'over-dubbing sur notre magnétophone deux pistes à bande 1/4 pouce. Il avait découvert qu'en recouvrant l'un des composants et en inversant les fils, on pouvait enregistrer quatre pistes sur une seule direction. C'était magnifique. Aujourd'hui encore, je ne l'oublierai jamais, parce que c'est le début de tout. Je lui ai dit : "Il faut qu'on enregistre ça."

Comment s'est déroulé le processus d'enregistrement ?
Finalement, on nous a accordé une semaine officielle et nous avons commencé à enregistrer. On s'est demandé comment on allait faire. J'ai eu cette idée [et] nous avons installé un métronome dans une autre pièce afin d'obtenir un semblant de timing pour le premier morceau, qui dure 20 minutes. Nous nous sommes également demandé "Comment diable allons nous faire pour l'overdub? Cela va être difficile de savoir quels morceaux commencent où, et tout le reste." et nous avons fait venir un énorme Ampex 16 pistes d'Amérique. Mike n'aimait pas jouer au métronome, alors c'était assez difficile. Quoi qu'il en soit, à la fin de la première semaine, nous avions un semblant de début. À partir de ce moment-là, tout s'est fait au compte-gouttes, en enregistrant chaque fois que nous le pouvions et que Mike était disponible. Je me souviens que, vers la fin, j'ai enregistré ce morceau de guitare, qui a peut-être été le dernier morceau acoustique que nous avons enregistré. J'ai enregistré ce magnifique passage à la guitare tard dans la nuit. Et vous savez, c'était stupéfiant, je veux dire que Mike jouait si magnifiquement. J'en ai parfois les larmes aux yeux en y pensant. Il a un véritable don pour le travail acoustique. J'ai toujours dis que ce serait bien qu'il prenne juste une guitare acoustique et qu'il fasse un album avec. Absolument charmant. 

Avez-vous été surpris par le succès de l'album ?
Au moment où l'album est devenu un succès, il l'était déjà dans ma tête depuis de nombreuses années. Je veux dire que je me promenais avec cet album en tête. Alors quand nous avons finalement obtenu un disque d'or et que l'album s'est bien vendu, je n'ai pas été surpris, bizarrement. Je veux dire, vraiment pas. 

À l'origine, il n'était pas prévu que Richard Branson sorte lui-même le disque...
Non, pas du tout. Je me souviens que Tom [Newman] et moi sommes allés voir Richard pour lui dire : "Pourquoi ne le sors-tu pas toi-même ?" Et puis, bien sûr, une fois qu'il a décidé que cela allait se faire, Richard a fait ce qu'il a toujours fait, c'est-à-dire s'amuser avec. Il a réservé le Queen Elizabeth Hall pour un concert, mais nous savions que Mike ne voudrait certainement pas faire ça. On s'est donc dit : "On va faire quelques répétitions, on va réunir le groupe, puis on dira à Mike que c'est en train de se faire. Il pourrait alors être d'accord", car il n'aurait pas à organiser quoi que ce soit. J'ai eu l'idée d'aller aux studios Shepperton, parce que mon frère travaillait dans l'industrie cinématographique. Mon frère savait qu'ils avaient une scène grande acoustique qu'ils n'utilisaient pas - et ils avaient tout ce fabuleux matériel d'enregistrement ancien, ce qui était absolument fascinant pour moi. Nous avons obtenu cette scène pour quelque chose comme 300 livres par jour.

Pourquoi pensez-vous que Tubular Bells a résisté à l'épreuve du temps ?
C'est un beau morceau de musique, c'est aussi simple que cela. Il est vraiment intéressant, charmant et unique. À l'époque, les gens écoutaient religieusement des disques entiers : ils les mettaient sur la platine, s'asseyaient sur leurs coussins et les écoutaient, et la musique était quelque chose de très spécial. Il faut y repenser en ces termes, même si je pense qu'il s'agit tout simplement d'un très beau morceau de musique, magnifiquement interprété et, sans aucun doute, très émouvant.


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Tubular Bells et moi : Sally Oldfield (La Sœur)


En jouant aux côtés de sa sœur dans The Sallyangie, le monde entier a eu pour la première fois l'occasion d'entendre Mike Oldfield.  Plus tard, Sally a participé aux chœurs de Tubular Bells et se souvient avec émotion de cette période.

Quand avez-vous entendu pour la première fois la musique qui allait devenir Tubular Bells ?
J'ai entendu pour la première fois des morceaux de la démo aux alentours de l'été 1972, lors d'une visite dans notre maison familiale à Harold Wood, dans l'Essex. Alors que je me promenais dans le jardin, une cascade de musique sublime, semblable à des cloches, m'a soudain enveloppé, venant de nulle part. Elle semblait venir du ciel, mais je me suis rendu compte qu'elle descendait de la fenêtre de la chambre de mon frère. J'ai cru qu'il s'agissait d'un nouveau groupe génial qu'il avait découvert et je me suis précipitée pour lui en demander le nom ! Je suis restée bouche bée lorsqu'il m'a dit qu'il s'agissait d'une composition personnelle et qu'il avait joué de tous les instruments lui-même. Sa chambre était un labyrinthe de fils et de prises qui s'entortillaient, et il était clair qu'il était déterminé à créer son propre univers musical.

Quels sont vos souvenirs de l'enregistrement de l'album ?
Mike m'a appelée à l'improviste en me disant quelque chose comme : "Salut Sally, j'ai été invitée à dîner sur la péniche de ce type et il m'offre un peu de temps en studio pour enregistrer mon propre album. Peux-tu venir faire quelques chœurs ?" Mon copain et moi avons sauté dans notre vieille Spitfire rouge cabossée et nous nous sommes rendus au Manor Studio, près d'Oxford. Nous avons été accueillis par deux énormes chiens loups irlandais et un bon nombre de joyeuses personnes qui se promenaient dans le majestueux manoir élisabéthain et son jardin orné. Mike était déjà bien avancé dans l'enregistrement de la première face avec Tom Newman ; de nombreux membres du personnel du Manor étaient assis autour de la console sur d'énormes coussins bien confortables - tous écoutaient. Mike savait exactement ce qu'il voulait pour les voix de fond et, avec la petite amie de Tom, Mundy Ellis, j'ai répété la partie vocale jusqu'à ce qu'elle corresponde exactement à ce qu'il avait imaginé : un mélange spécial de "chœur angélique et de chœur féminin" qui donnait à la dernière partie de la première face une ambiance paisible et céleste.

Quel effet cela fait-il de revenir 50 ans en arrière ?
Écouter Tubular Bells m'évoque toujours un sentiment d'intemporalité. Pourtant, comme Mike l'a lui-même confié, l'album n'a pas été aussi soigneusement planifié qu'il n'y paraît. Un matin, au Manoir, il a aperçu par hasard un ensemble de cloches tubulaires rutilantes transportées vers une camionnette. En voyant cela, Mike, toujours prêt, s'est dit : "Elles pourraient être utiles !" Il a alors prononcé ces mots qui ont fait l'histoire : "Pourrais-je les garder ?" J'ai toujours pensé que mon frère connaîtrait le succès avec sa musique, mais je pensais que cela prendrait du temps. Ce fut une surprise pour toute la famille lorsque l'album a commencé à monter en flèche. Je n'avais pas prévu à quel point il était difficile et stressant pour Mike de s'adapter au genre de succès dont beaucoup de jeunes musiciens ne peuvent que rêver. Tout ce qu'il souhaitait, c'était de vivre de sa musique et pouvoir enregistrer librement tout ce qui jaillissait de son âme.

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Tubular Bells et moi : Jon Field (Le 'Musicien additionnel')


Jon Field a joué aux côtés de Tom Newman dans le groupe culte de musique psychédélique July, et plus tard avec Jade Warrior. Il est l'un des trois seuls "musiciens additionnels" crédités (à l'exclusion des chanteurs) sur Tubular Bells, les autres étant Steve Broughton (batterie) et Lindsay Cooper (basse).

Comment en êtes-vous arrivé à participer à Tubular Bells ?
Un soir, Tom m'a téléphoné pour me demander si je voulais bien jouer de la flûte dans un projet auquel il participait. Il m'a expliqué qu'il s'agissait d'un projet instrumental. Je lui ai dit : "Je ne peux pas jouer les mélodies des autres" et j'ai suggéré qu'il serait mieux avec quelqu'un d'autre. Tom m'a assuré que c'était du gâteau et que le disque allait être énorme. Puis il m'a dit que si je faisais le concert, je pourrais emprunter sa Bentley - alors je l'ai fait !

Quels sont vos souvenirs de l'élaboration de l'album ?
Je me souviens d'un Mike très jeune, passionné par son travail. À un moment donné, alors que j'essayais de jouer un morceau comme il le voulait, il a pris la flûte et a essayé de jouer le morceau tel qu'il l'entendait dans sa tête. Le fait est qu'il n'arrivait pas à jouer de la flûte et qu'aucune note ne sortait, seulement de l'air. Je me souviens d'avoir été désolé pour lui, car je comprends la passion et la frustration qu'il y a à essayer de faire passer une idée musicale. Je me souviens de la façon dont ils ont dû travailler sur la première face de Tubular Bells, au tout début, avant qu'on ne leur donne des bandes 2" et du temps de studio officiel - Mike était toujours réveillé lorsqu'une session réservée se terminait, ainsi ils pouvaient sauter sur l'occasion à n'importe quel moment du jour ou de la nuit.

Saviez-vous à l'époque que vous travailliez sur un futur classique ?
J'aurais parié ma maison qu'il ferait un bide ! Je me suis souvent trompé, mais là, c'est la meilleure erreur que j'aie jamais commise. J'étais très heureux pour Mike. Que Dieu bénisse Mike pour l'avoir écrit. Que Dieu bénisse Tom [Newman] pour l'avoir réalisé !


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Tubular Bells et moi : Phil Newell (L'Ingénieur)


Le spécialiste de l'acoustique Phil Newell a joué un rôle important dans le développement du Manor Studio. Il a enseigné à Simon Heyworth et Tom Newman l'art de l'ingénierie audio, les aidant à développer les outils et les techniques nécessaires pour donner vie à la vision de Mike Oldfield.

Comment êtes-vous entré en contact avec Richard Branson et le Manor Studio ?
Je construisais un studio appelé Majestic à Clapham [sud de Londres]. Lorsque les choses ont commencé à mal tourner, on m'a proposé un emploi chez Pye Records. Majestic devait soudain trouver de l'argent et, avant de partir, on m'a demandé d'essayer de vendre tout le matériel qui n'était pas indispensable. J'ai passé une annonce et Tom Newman y a répondu. Il essayait de monter un studio pour Virgin.
Il a acheté pas mal de matériel et m'a laissé son numéro de téléphone. Il m'invitait à venir au Manoir les week-ends pendant la construction du studio. Beaucoup de choses semblaient ne pas fonctionner. Lorsque je lui en ai parlé, il m'a dit : "Pourquoi ne pas nous rejoindre en tant qu'ingénieur en chef ?"

Comment Mike Oldfield a-t-il attiré votre attention pour la première fois ?
Tom parlait de ces bandes démo que Mike lui avait données à écouter, et il voulait que quelqu'un les enregistre correctement et les sorte. Tom a finalement été autorisé à passer du temps en studio pour enregistrer Mike. C'est là que nous nous sommes rencontrés pour la première fois. 

Quels sont vos souvenirs des sessions d'enregistrement ?
J'avais acquis pas mal de connaissances techniques à l'époque où je travaillais à Pye. Même si Tom et Simon travaillaient sur l'enregistrement, et que j'étais l'ingénieur du son en chef, je ne travaillais pas sur ces sessions, mais j'aidais à résoudre de nombreux problèmes techniques. Ils voulaient que la bande tourne à différentes vitesses et faire toutes sortes de choses bizarres avec l'équipement. Je suppose que j'ai reçu une éducation plus conservatrice en termes d'enregistrement et ils voulaient faire des choses avec les machines que l'on n'est peut-être pas censé faire. J'étais donc un peu à contre-courant.
Je me demandais ce qu'ils pouvaient bien faire, essayer d'obtenir des sons différents, faire tourner les machines à des vitesses différentes, toutes sortes de choses, et plus généralement bricoler l'équipement pour essayer d'obtenir des sons différents. Je me suis impliqué pendant que j'étais dans le studio. Je posais beaucoup de questions.

Qu'avez-vous pensé de la musique sur laquelle ils travaillaient ?
Je dois admettre que je n'ai pas été impressionné à l'époque, jusqu'à ce qu'ils aient pratiquement terminé. Je me souviens alors que Tom l'a jouée en entier. Je lui ai dit : "Soit il va se vendre à 5 000 exemplaires, soit à un demi-million, mais rien entre les deux". Je me suis rendu compte qu'il s'agissait manifestement d'un produit destiné à un marché de niche, mais j'ai également pu constater à quel point il était fantastique, d'une manière que je n'avais jamais perçue sur les bandes démo. Tom y a vu quelque chose. Je pense que Simon Heyworth aussi. Mais j'ai réalisé un peu tard le potentiel de ce qu'ils faisaient. 

Quelle a été votre réaction lorsque l'album a commencé à décoller ?
Au début, il y a eu beaucoup de critiques parce qu'on ne pouvait pas le classer dans une catégorie particulière. The Dark Side Of The Moon était sorti quelques mois auparavant, si bien que certains l'assimilaient à Pink Floyd. Mais il ne correspondait pas vraiment à cela non plus parce qu'il n'y avait pas de chant dessus.

Ah, oui - le fameux chant...
C'est toute une histoire en soi. À part la chanson Caveman [de la deuxième partie de l'album], qui a été ajoutée plus ou moins comme une réponse sarcastique aux demandes de chant. À l'origine, Virgin Records n'était pas censé être un label, mais une société de production de disques. Selon Richard [Branson], il avait fait le tour de huit maisons de disques différentes pour essayer d'obtenir une licence et la seule qui était vaguement intéressée par la sortie de l'album était Mercury.
Le responsable A&R de Mercury a dit qu'il ne le sortirait que s'il y avait des voix dessus. Donc Caveman, je pense, à bien des égards, était une sorte de doigt d'honneur à l'industrie du disque, mais cela a remarquablement bien fonctionné. Quoi qu'il en soit, Mercury n'a pas accepté. Richard et Simon [Draper, directeur de Virgin] ont donc dû prendre une décision : "D'accord, si nous voulons sortir ce disque, nous devons avoir une maison de disques." 

Richard croyait donc lui-même au potentiel de Tubular Bells ?
Il ne le savait pas vraiment, mais il écoutait les gens et il a toujours eu le flair pour trouver quelque chose qui va marcher.
Et puis, bien sûr, c'est Richard lui-même qui a réussi à conclure un accord avec [le réalisateur] William Friedkin pour l'utiliser comme thème musical sur L'Exorciste. C'est vraiment lorsque ce film est sorti que Tubular Bells a décollé. Lorsque cela s'est produit, nous avons été complètement dépassés. C'était au-delà de nos rêves les plus fous, mais c'était réel.

Quel est, selon vous, le secret de la longévité de l'album ?
Parce que c'est quelque chose d'unique et de très spécial. Mike en a enregistré une nouvelle version il y a une trentaine d'années, après la fin de son contrat avec Virgin. Du point de vue d'un compositeur, je peux imaginer sa frustration d'avoir composé un morceau de musique comme celui-ci, mais la seule version enregistrée était pleine d'inexactitudes techniques et de limitations dues au matériel d'enregistrement disponible à l'époque. Je comprends donc parfaitement qu'il ait voulu l'entendre telle qu'elle aurait dû être, si la technologie avait été disponible, mais cela n'a jamais remplacé l'original. Il y a quelque chose dans la sensation de l'original, dans l'émotion qui s'en dégage.
Il y a quelque chose de la situation personnelle de Mike à l'époque qui se retrouve dans la musique. Vous connaissez le dicton selon lequel les meilleurs boxeurs sont ceux qui ont faim ? Il y avait là quelque chose qui attirait les gens. Peut-être que les imperfections de l'enregistrement reflétaient les insécurités du compositeur. Mais il existe un lien émotionnel avec l'original qu'il est impossible de reproduire, car dans sa tête, Mike ne peut pas se trouver dans l'atmosphère où il se trouvait au moment de l'enregistrement.


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Tubular Bells et moi : Tom Newman (Le Producteur)


Tom Newman a joué un rôle important dans la concrétisation de la vision d'Oldfield. Ayant débuté dans le groupe culte July, il est rapidement passé au rôle de producteur, tout en continuant à enregistrer et à sortir des morceaux en solo. Il a contribué à la mise en place du Manor Studio, dans lequel Tubular Bells a été enregistré. Newman a également participé sur plusieurs des projets de Mike par la suite.

"J'ai rencontré un jeune Richard Branson, alors que j'essayais encore de devenir une pop star", explique Newman, "et il m'a persuadé de construire un studio d'enregistrement à Kidlington [dans l'Oxfordshire] et de créer une maison de disques. Je pensais que tout cela m'aiderait à devenir une pop star, mais j'ai rencontré Mike Oldfield... Je me suis retrouvé à travailler sur sa musique et j'ai oublié ce que je faisais !" 

Newman a été l'un des premiers à entendre les démos d'Oldfield et a contribué à attirer l'attention de Branson sur le talent du jeune guitariste. 

"La magie que j'ai perçue dans les démos était en partie due à l'empathie que j'éprouvais pour Michael", explique Newman. "Il y avait beaucoup de bruit de fond et la bande était minuscule par rapport à l'équipement professionnel sur lequel nous avons enregistré, mais c'était, pour moi, une expérience émotionnelle parfaitement équilibrée"

Aux côtés de Simon Heyworth, Newman a travaillé en étroite collaboration avec Oldfield tout au long des sessions de Tubular Bells"L'atmosphère de travail était hasardeuse et expérimentale", se souvient Newman. "Mes connaissances en tant qu'ingénieur/producteur n'avaient qu'un an. Notre "professeur" était [l'ingénieur en chef] Phil Newell"

Tubular Bells a innové en studio. "Les défis se sont multipliés au fur et à mesure que les choses avançaient", reconnaît Newman, "et Michael a commencé à découvrir les possibilités qui s'offraient à lui. Il a laissé libre cours à sa créativité et s'est battu contre les limites de la technologie, tandis que l'ingéniosité de Phil a été testée jusqu'aux limites de l'enregistrement sur 16 pistes avec des vitesses variables"

Ces méthodes ad hoc et novatrices ont permis à chacun de rester sur le qui-vive. "On ne s'ennuyait jamais", reconnaît Newman. "Personne ne pouvait prédire ce que chaque jour pouvait exiger de nous, et nous allions chaque jour dîner complètement vidés. Je devais fabriquer deux "plaques d'écho" de 1,80 m sur 1,80 m, et mes compétences en matière de montage ont dû s'étendre à des montages linéaires et verticaux de 2" pour relier des sections enregistrées séparément." 

L'opinion de Newman quant au résultat final est catégorique. "C'est désormais un pilier de la musique moderne", dit-il, "au même titre que Pink Floyd, mais il a également jeté des ponts vers le classique, la musique chorale et la pop, voire le métal, et il a en outre donné naissance à un genre magnifique qui lui est propre, créant ainsi des possibilités d'étendre l'héritage de Mike pendant encore longtemps."


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Tubular Bells et moi : Robert Reed (Le Fan Musicien)


   Le multi-instrumentiste Robert Reed est une pilier très respecté sur la scène prog depuis un certain temps, en tant qu'artiste solo, membre fondateur de Magenta et pour son travail avec d'autres groupes et projets. Ses albums Sanctuary, sur lesquels il joue lui-même de tous les instruments, ont été directement inspirés par le travail de Mike Oldfield, et ont été créés avec l'aide du producteur de Tubular Bells, Tom Newman

   Comme l'explique Reed, Tubular Bells a longtemps été une influence majeure dans sa vie et son travail. "J'ai pris des leçons de piano très jeune", explique-t-il à Prog. "J'ai été très inspiré par Rick Wakeman. Puis un instituteur a accroché un poster de Tubular Bells au mur de la salle de musique, et j'ai été intrigué. J'ai donc supplié mes parents, à l'âge de sept ou huit ans, de m'acheter cet album pour Noël. À partir de ce moment-là, j'ai été obsédé. Je voulais apprendre à jouer de tous les instruments"

   Reed était déjà bien avancé dans sa carrière lorsque le premier album Sanctuary a vu le jour. "Pendant 20 ans, les gens me demandaient dans toutes les interviews : "Quel est votre album préféré ?" Je répondais que j'avais été inspiré par Mike Oldfield, alors la question suivante était : "Pourquoi ne faites-vous pas un album comme ça, avec vous jouant de tous les instruments, parce que vous êtes né pour faire ce genre de choses ?". Finalement, il a relevé le défi. "Je me suis dit que je n'utiliserais pas de samples ou quoi que ce soit d'autre, dit-il, que je jouerais tout en vrai, comme Mike. C'est un travail difficile, ça m'a donné du fil à retordre, mais j'ai adoré ça".

   Une fois terminé, cependant, Reed n'était pas sûr du résultat. "J'étais passé par toutes les étapes. Je m'étais assis et j'avais utilisé tous ces instruments, je l'avais fait correctement et j'y avais mis tout mon cœur et toute mon âme. Mais je ne savais pas si ça fonctionnait bien. Je me suis dit : "Je ne peux pas vraiment approcher Mike, mais la meilleure solution serait Tom Newman". Newman accepte d'écouter les bandes. "Environ trois jours plus tard, se souvient Reed, il m'a téléphoné et m'a dit : "Mon Dieu, c'est incroyable - je n'avais rien entendu de tel depuis 30 ans".

   Le premier album de la série est sorti en 2014 et le travail sur Sanctuary a donné à Reed une toute nouvelle appréciation de Tubular Bells et de Mike Oldfield. "Le plus fou, c'est qu'il [Mike] a fait cet album à 19 ans. Combien de musiciens, à 19 ans, ont non seulement appris à jouer de tous ces instruments, mais ont aussi la profondeur et l'émotion nécessaires pour créer cette musique ? Et le truc avec Mike Oldfield, c'est que sa guitare est comme une voix. Elle vous attire. C'est ce qui m'épate et épate ses fans".

   Pour Reed, ce n'est pas le seul aspect de Tubular Bells qui le rend unique. "Ce n'est ni du classique, ni du rock, mais il y a tout cela, et du jazz aussi. Je pense que les cinq premières minutes de l'album, ce motif au piano, sont comparables à la Cinquième de Beethoven. C'est presque plus grand que l'album. C'est plus important que Mike. Tout le monde le connaît. Je ne célèbre pas les 50 ans de Tubular Bells, je célèbre les 50 ans de Mike Oldfield en tant que compositeur".

   Reed ajoute : "Il y a des albums dont on peut dire qu'ils ont eu une influence parce que tout le monde les a copiés. Mais Tubular Bells a eu une influence énorme, mais ce n'est pas parce que les gens ont essayé de le copier, c'est plutôt parce qu'ils ont été inspirés par lui. C'est incroyable le nombre de personnes à qui je parle qui aiment Mike Oldfield".


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Tubular Bells et moi : Richard Branson (Le Patron)


Fondé en 1972 par Richard Branson, Simon Draper, Nik Powell et le musicien Tom Newman, Virgin Records est aujourd'hui associé à un grand nombre d'artistes à succès. Il a notamment signé Genesis, Tangerine Dream et Faust, mais Tubular Bells a été le tout premier album du label.

Quels sont vos souvenirs de l'époque de la création du Manor Studio ?
J'ai de très bons souvenirs des premiers jours du Manoir. Les gens aimaient tellement nos magasins de disques que j'ai pensé qu'il serait formidable d'avoir un espace similaire pour que les artistes puissent venir écrire, s'entraîner et enregistrer.
Nous avons transformé une magnifique maison de campagne en un incroyable studio d'enregistrement. Le processus de construction a été un véritable tourbillon - aucun d'entre nous n'avait fait ça auparavant, nous apprenions donc au fur et à mesure.
Tubular Bells a vraiment mis Virgin Records sur la carte en tant que label indépendant. Finalement, tout le monde, des Rolling Stones à Paul McCartney en passant par Queen et Cat Stevens, a voulu enregistrer au Manoir. C'est également au Manoir que j'ai rencontré ma merveilleuse épouse, Joan.

Lorsque Tom Newman a attiré votre attention sur les maquettes de Mike Oldfield, qu'avez-vous pensé de la musique ?
Je l'ai trouvée incroyable et d'une beauté envoûtante - je savais que le monde devait entendre ça. Je savais aussi que c'était un risque, car elle était très différente de la musique populaire de l'époque. Je n'étais pas un grand spécialiste de la musique - mon cousin Simon Draper allait jouer ce rôle pour Virgin Records - mais je suis tombé amoureux de ce que j'ai entendu et j'ai vraiment cru en Mike.

Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre avec Mike Oldfield ?
Je me souviens qu'il est venu sur notre péniche. Nous n'avions pas de maison de disques à l'époque, mais j'ai accepté d'apporter sa cassette à d'autres maisons de disques pour voir si elles voulaient l'engager. Elles l'ont toutes refusé et Simon et moi avons donc décidé de créer notre propre label pour nous assurer que les gens puissent entendre sa belle musique. Le reste appartient à l'histoire, comme on dit ! Mike était très timide et introverti lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, mais je savais qu'il était un génie de la musique.
À 19 ans à peine, il maîtrisait de nombreux instruments et son expression musicale transparaissait dans chacun d'entre eux. C'était un véritable artiste, mais aussi une personne très gentille et décente.

Avez-vous été surpris par le succès de l'album ?
D'une certaine manière, oui. C'était un album très différent, purement instrumental, qui n'était donc pas très commercialisable - c'est du moins ce qu'ont pensé tous les labels qui l'ont refusé. Nous avions reçu tellement de lettres de refus, mais nous y croyions. Nous avons eu un peu de chance : le légendaire présentateur radio John Peel a joué l'intégralité de l'album lors de son émission, et il a également figuré sur la bande originale de L'Exorciste, ce qui a joué un rôle déterminant dans son succès aux États-Unis.

Qu'est-ce qui rend Tubular Bells si spécial ?
Il n'y a tout simplement rien de comparable. Avec pas moins de 27 instruments superposés, c'est extraordinairement complexe. Il est impossible de ne pas être ému par Tubular Bells. C'est le disque qui a lancé le monde Virgin.


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Tubular Bells et moi : Torsten Stenzel (Le Remixer sur Tubular Beats)


   Le musicien et producteur York, alias Torsten Stenzel, s'est associé à Mike Oldfield pour Tubular Beats en 2013, un projet qui visait à revisiter la musique de Mike. "Lorsque j'étais enfant, ma sœur écoutait toujours Mike Oldfield", explique Torsten Stenzel. "J'étais particulièrement intéressé par Tubular Bells qui était pour moi un morceau de musique génial, alors vous pouvez imaginer ce que j'ai ressenti lorsque je l'ai rencontré."

   Cette rencontre a eu lieu grâce à un ami commun : "Nous nous sommes rencontrés aux Bahamas, dans le studio de Mike", raconte-t-il. "Nous y avons écrit la chanson Never Too Far [qui est devenue un duo avec la soprano finlandaise Tarja Turunen]. Il m'a parlé de son idée de faire des remixes dance de ses plus grands succès [et] j'étais bien sûr partant !" 

   Le duo a travaillé à partir de bandes multipistes originales sur des morceaux choisis dans la discographie de Mike, notamment Tubular Bells. "C'est un type très cool", déclare Stenzel. "Je me souviens de la camionnette bleue dans laquelle il est venu me chercher, comme celle d'un bricoleur ou d'un jardinier. Ce n'était pas un véhicule de luxe. Puis, dans le studio, il a attrapé la guitare et s'est mis à gratter une improvisation incroyable. C'était une expérience irréelle."



Prog, Issue 140, mai 2023 - traduit par Orabidooblog.


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mardi 30 mai 2023

Interview par Bert Bertrand pour le périodique « En Attendant » n°17 - Mai 1979 (Belgique)

Voici une interview que certains qualifieront probablement d'inutile puisqu'on y apprend pas grand chose, hormis le fait que Mike Oldfield à la fin des années 70 était devenu aussi insolant que laconique en entretien. C'est à mon avis un très bon rappel de la personnalité de Mike, qui, finalement, n'a jamais été très loquace avec la presse, ni très bon vendeur. Le parallèle avec le fait qu'il communique peu aujourd'hui fait donc sens, même si des fois on est d'accord que ça peut être très frustrant, voire énervant !..

Le journaliste belge Bert Bertrand en a en tout cas fait les frais au printemps 1979, alors que le Maestro était en tournée 'Exposed' européenne, après la sortie de son quatrième album Incantations, et son passage en thérapie exegesis...

Je remercie tout particulièrement Georges pour l'archive originale. Et j'espère que ce type de contenu vous plaira.

Bonne lecture !

Retranscription de l'article paru dans le mensuel belge En attendant n°17 en mai 1979, par Bert Bertrand :

« Bert Bertrand par Mike Oldfield »

Nous avons longtemps hésité avant de publier l’article qui suit. Si ce qui vous intéresse en lisant une interview de Mike Oldfield, c’est d’apprendre quoi que ce soit au sujet de sa musique, de ses disques ou de ses accompagnateurs, vous pouvez tout aussi bien tourner la page immédiatement.

Par contre si ce qui vous intéresse, ce sont les rapports psychologiques qui peuvent se créer entre deux individus, voyez la retranscription exacte de ce qui fut dit entre Mike et Bert.

Le concert que Mike Oldfield a donné le neuf avril à Bruxelles fut simplement le plus merveilleux jamais donné à Forest-National. Mike Oldfield, d'autre part, m’intéressait car il avait l'air timide, si gentil et que j’ai toujours adoré ses disques.

Si j'avais su...

En fait, cette interview s’avéra être la plus désespérante que j’ai jamais réalisée. Je me sentais impuissant devant l’incommunicabilité qu'il cherchait à préserver.

J'ai perdu trois quarts d’heure à essayer de le comprendre et une nuit blanche à méditer sur ses paroles.

Dernière information préliminaire: comme vous, j'ai horreur des semi-journalistes qui parlent plus d'eux-mêmes que des gens qu’ils interviewent. Il suffit de lire dans la presse qui se proclame concurrente des phrases du genre « grâce à la gentillesse de l'attaché de presse de la firme Machin: j'ai eu l'honneur de parler à Arthur Delferrière et en dégustant une tranche de jambon, nous sommes allés dans ma Simca au café Chez Léon (Merci, Léon pour la bière gratuite) où j'ai recueilli les confidences suivantes ».

La différence, dans le cas qui nous occupe, c’est que je ne parle pas de moi pour me mettre en évidence (Non, à peine - G.V.) mais simplement parce que c'est inévitable face à son désir d'anonymat.

Vous allez voir, ça a très mal commencé:

- Tu as longtemps été considéré comme un musicien solo, or dernièrement, ton nom est apparu en tant qu’invité sur plusieurs disques. Y a t-il un changement qui s’est opéré en toi?

- Pas de raison.

- Ton travail en solo te satisfaisait-il au point que tu n’éprouves pas le besoin d’agrémenter celui des autres?

- J'ai dit « pas de raisons ».

- Est-ce que ça signifie que tu n’as pas envie de parler?

- Non, pas du tout.

- Non pas du tout quoi?

- Non, ça ne signifie pas que je n'ai pas envie de parler. Mais si tu continues à me demander des raisons, je n'en aurai plus envie.

- Ça t’ennuie qu’on essaie de comprendre pourquoi tu agis d’une certaine manière?

- C'est toi qui cherches des raisons, c’est toi qui en as besoin. Pas moi.

- Quel est l'intérêt de parler de quoi que ce soit alors, sinon pour essayer de comprendre les gens?

-Il n'y a pas d'intérêt.

- La communication ne présente pas d'intérêt pour toi?

- Je ne considère pas nécessairement que parler, c’est communiquer. Il y a d’autres moyens.

- (pause) Jusqu’à présent dans la conversation, j'ai l’impression que tu te sens agressé lorsque je te demande ce que tu appelles des raisons et ce que moi j'appelle des explications.

- Si tu as des difficultés, c’est ton problème, pas le mien.

- Pourquoi penses-tu qu’il y a un problème?

- Moi je n’ai pas de problème.

- Je crains de ne pas te comprendre. Ça te fait plaisir?

- Je n’en ai rien à foutre.

- Ton attitude, c’est une pose permanente ou un jeu?

(Il rit) - Pas du tout! Dis-moi, comment te sens-tu?

- Euh... Je me sens... comme en compagnie de quelqu'un qui n’a pas envie de parler.

- Non, tu ne réponds pas à ma question. COMMENT TE SENS-TU?

- Vis-à-vis de toi ou de moi-même?

- De toi-même.

- Eh bien, je crois que ce dont j’ai envie maintenant, c'est un peu de chaleur ou d'affection.

L'interviewé (Photo: Robert Velline)

Il se penche vers moi, me prend dans ses bras et m’embrasse. Naturellement, je ne lui réponds pas physiquement et je reste tendu.

- Mais non, tu n’en as pas vraiment envie, tu vois? Tu ne désires pas vraiment l'affection.

- OK. Disons que cette situation m’embarrasse. (Silence). Tu préfères parler de ta musique ou de toi-même?

Content de son petit effet, il répond plus gentiment - Ca m'est égal du moment que tu ne me demandes pas de raisons.

Nous parlons du disco, de la culpabilité et inévitablement, comme au jeu du « ni oui ni non », j'en viens à lui demander une raison. Y a-t-il moyen de parler de sujets qui ne soient pas superficiels sans mentionner de raison? Si ça vous intéresse, il a trois chiens et un perroquet qui dit « Stop it » et il aimerait avoir des enfants. Dans « Incantations », il mentionne les noms de trois déesses, Diana, Luna et Luchina (si j'ai bien compris) qui ont le pouvoir, lorsque la lune est sombre, de la faire briller à nouveau. Mike Oldfield considère que tout autour de nous n'est que sorcellerie.

- Mm-mmmh. Tu crois en Dieu ?

- (long silence) Dieu en tant que concept, certainement pas.

- Que signifie Dieu pour toi ?

- Tout.

- Oh shit, Est-ce que tu votes aux élections ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Des raisons!

- (sigh) Tu aimes Village People?

- « In The Navy »? Oui.

- Je crois me souvenir avoir lu quelque part que tu as suivi les cours de EST. (ce sont des séminaires qui consistent à faire des exercices psychologiques de confiance en soi).

- Non.

Je sais qu'il ment, mais je n’insiste pas.

- Tes singles comme « Portsmouth » ou « On A Horseback » ont toujours été très différents de ce que tu faisais en album. Considères-tu déplacé d'inclure des singles aussi « plaisants » sur un album?

- Les singles sont juste des trucs que j’enregistre à droite ou à gauche pour le pied.

- Et les albums, tu ne les enregistres pas pour ton plaisir?

- Ce sont surtout mes albums qui sont mon atout commercial.

- Tu ne comptes pas sur les singles pour t’enrichir?

- Sur « I’m Guilty » (Je suis coupable), oui.

- Ah, c'est de cela que tu es coupable, alors?

- Oui

- Tu te trouves cupide?

- Oui.

- Tu te trouves sexy?

- Oui, je me trouve très sexy.

- Tu trouves que tu es un Gentil Garçon?

- Oui, je suis un très gentil garçon.

- Quand tu étais petit, qu'est-ce que tu voulais devenir?

- Conducteur de train.

- Pourquoi n’as-tu pas plutôt fait ça?

- Je l’ai fait.

- Quand et où?

- Hier, à Berlin-Est.

(Oh-oh. Encore une de ces réalités séparées. On mentionne l’inévitable Carlos Castaneda).

- De quoi as-tu peur?

- De tout.

- Qu'est-ce que tu déteste le plus?

- Tout.

L'intervieweur et ses complices (Photo: Paul Coerten)

- Quelle est l’utilité de te donner la peine de parler aux gens, si ce n’est même pas pour communiquer avec eux?

- Il n’y a pas d'utilité.

- Pourquoi le fais-tu, alors?

- Pas de raisons.

- Tu ne te poses jamais aucune question?

- Si.

- Pourquoi cherches-tu à donner l’impression que le dialogue est inutile chaque fois que je te demande une raison?

- Je ne trouve pas que ce soit inutile. Je choisis de ne pas le faire. Pas avec toi.

- Parce que tu ne m'aimes pas personnellement?

- Non, je t'aime.

- Alors?

- Alors quoi?

- Pourquoi acceptes-tu de me parler si tu ne veux pas avoir à te justifier? De quoi aimerais-tu parler?

- De toi.

- OK, ce ne serait pas moins intéressant mais je crois qu'il y a plus de gens qui s’intéressent à Mike Oldfield qu’à moi.

- Peut-être, mais je n’ai rien à raconter que n'importe qui d'autre ne pourrait pas faire.

- Tu es dans une position où tu peux te permettre de refuser en bloc de parler à la presse. Pourquoi ne fais-tu pas ça plutôt que de perdre ton temps et le mien?

- Je veux bien te parler mais pourquoi t’obstines-tu à me demander des raisons à tout ce que je fais?

- J’ai l’impression que chercher des raisons est une aussi bonne base qu’une autre pour établir une communication entre deux individus.

- Pour moi, ce n’est pas ça la réelle communication. J’appelle ça deux machines qui s’épient pour mieux se confronter.

- Ce n'est pas nécessairement si négatif. Quelle est selon toi la manière la plus efficace de communiquer, sinon la parole?

- Ce qu'on fait maintenant.

- Se regarder ? Oui, bien sûr, c'est immédiat mais pas très édifiant.

- Tu interprètes le fait que je te regarde comme un défi, n'est-ce pas?

- Oh non, pas du tout. C'est le genre de défi auquel je me livrais il y a dix ans, mais ça ne m'intéresse plus. C’est trop facile. Mais je ne crois pas pouvoir communiquer avec toi de cette manière-là car je ne te connais pas assez intimement pour savoir ce que tu ressens.

- Quand je te regarde, je ne pense peut-être à rien.

- Donc, impossible de communiquer.

- Le problème avec toi, c’est que tu places la communication au niveau exclusif de l'esprit. C'est la partie de toi qui cherches des explications à tout.

- Tu as raison, on peut communiquer physiquement, mais c’est moins efficace. Tu parles parfois à des inconnus, dans le train ou dans l'avion?

- Oui, parfois. Je suis en train de parler avec toi.

- Et ça te plaît?

- Enormément. (silence). Tu te souviens que nous ayons commencé cette conversation parce que TOI tu avais envie de parler. Moi, je crois que tu es obsédé par la parole. En général, tu parles facilement avec les gens?

- Je ne suis pas quelqu'un de bavard, mais j'ai beaucoup de facilité à parler aux gens quand j’en ai envie.

- Et de quoi parles-tu le plus volontiers?

- N'importe quoi, le temps qu'il fait, le sexe, la musique, la mode, les gens.

À ce moment-là, il me fait parler de mes parents, je préfère ne pas retranscrire cette partie-là de l'interview mais sa conclusion est:

- Avant de poser les raisons chez les autres, tu ferais bien de te poser un peu plus de questions à toi-même.

J'arrête l’enregistreur. Ensuite je lui demande:

- Pourquoi cherches-tu tellement à déceler les faiblesses des autres? Est-ce que, de la même manière que certains types aiment montrer leur force physique pour se rassurer, toi tu aimes bien te montrer implacable psychologiquement?

- Je ne cherche pas à montrer aux gens qu'ils sont faibles mais parfois, je dois surmonter des faiblesses et elles en deviennent plus apparentes.

 

A la réflexion, je ne crois pas que Mike Oldfield soit plus « fort » que moi. Il peut se permettre d'être plus arrogant et c'est peut-être justement une faiblesse de sa part que de ne pas se mettre au niveau de son interlocuteur et d'éviter sciemment le dialogue. Qu’est-ce qui est la défense des faibles?


Par Bert Bertrand.


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